Le programme du CNR
En mars 1943, Jean Moulin reparti en France reçoit du général de Gaulle la mission d'unifier la Résistance au sein d'un Conseil de la Résistance. Cette création répond surtout à la nécessité d'acquérir une légitimité aux yeux des anglo-saxons qui depuis la conquête de l'Afrique du Nord penchaient pour le général Giraud. Ce qui impliquait que les représentants des partis politiques reconnaissent la primauté du général de Gaulle. Le Conseil de la Résistance se réunit à Paris pour la première fois le 27 mai 1943. Les 17 membres présents reconnaissent à l'unanimité le général de Gaulle comme le chef politique de la Résistance. Ce Conseil rassemblait sous la présidence de Jean Moulin huit représentants des Mouvements de Résistance, six des partis politiques et deux des centrales syndicales ouvrières. Le Conseil de la Résistance avait une double fonction : d'une part être "un embryon de la représentation nationale" en exprimant les diverses tendances de la Résistance, d'autre part faire appliquer en France les décisions du Comité français de la Libération nationale (CFLN) qui sera créé le 3 juin 1943 pour succéder au Comité national français (CNF).
Après l'arrestation de Moulin à Caluire, le 21 juin 1943, Georges Bidault le remplace à la tête du Conseil national de la Résistance (CNR), qui ne prendra le qualificatif de "national" qu'à l'automne 1943. Celui-ci adopte le 15 mars 1944, à l'unanimité, un programme commun qui est perçu comme une véritable charte de gouvernement. En effet, une des principales fonctions du CNR était aussi d'être un lieu de débat et de négociation permettant de maintenir la cohérence au sein de l'Etat clandestin. En cela, le CNR était un véritable symbole d'union nationale.
L'idée d'un programme commun à tous les éléments associés dans la Résistance avait été portée pour la première fois par le socialiste Léon Blum, en 1942 : il s'agissait d'élaborer une plate-forme de rénovation de la vie politique de l'après-guerre. Mis en forme par Pierre Villon, un cadre du parti communiste français, le Programme d'action de la Résistance, ce qu'on appellera après la Libération Programme du CNR, résulte d'un compromis. Il présente deux objectifs : "un plan d'action immédiate" et "des mesures à appliquer dès la libération du territoire". A savoir l'établissement de la démocratie la plus large possible, le rétablissement du suffrage universel (mais seulement masculin !), la refonte du système éducatif, l'établissement d'un plan complet de sécurité sociale, le retour à la Nation des grands moyens de production monopolisés, des sources d'énergie, des richesses du sous-sol…, le droit au travail et le droit au repos, et enfin une extension des droits politiques, sociaux et économiques des populations indigènes et coloniales. A ce jour, le programme du CNR reste le seul programme d'action de l'histoire de France à avoir été l'expression d'une très large approbation nationale, qui exprimait l'unité de la Résistance face à l'ennemi et à ses complices.