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Dans la Deutsche Marine

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Bianca Seifert, alors capitaine de corvette, avec son bâtiment en arrière-plan. © Deutsche Marine

Première femme de la marine allemande à accéder au commandement d’une grande unité, en l’occurrence une corvette de 90 mètres de long et de 1 800 tonnes, Bianca Seifert est une pionnière. Celle qui est depuis devenue capitaine de frégate rend compte de son parcours.

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En 2021, vous êtes devenue la première femme commandant un équipage de corvette de la marine allemande. Qu’est-ce qui a motivé votre engagement et que retenez-vous de ces années passées en tant que militaire ?

Ma plus grande motivation était et est toujours le plaisir que j'ai à faire ce métier et surtout à naviguer. Je ne regrette aucunement d’avoir choisi un métier militaire. Il y a beaucoup de facettes et on évolue constamment. Je ne me serais jamais imaginée passer 40 heures par semaine derrière un ordinateur dans un bureau.

J'ai bien sûr vécu quelques expériences pendant mes presque 20 ans dans la marine, positives mais aussi négatives. Néanmoins, ce qui m'a le plus marqué, c'est la navigation et les conditions humaines particulières qui lui sont liées. La camaraderie à bord d'un navire est toujours particulière et exigeante, car on est limité dans l'espace et on a que peu d'intimité. Il faut faire preuve de respect mutuel et veiller à la bonne entente du groupe, et ce même dans des conditions ou situations extrêmes. Chacun a son rôle et sa mission à bord et ce n'est que lorsque cette équipe fonctionne, qu'elle est bien rodée et que l'on peut compter les uns sur les autres qu'un navire gris devient un navire de guerre prêt à l'emploi.

L’armée allemande (Bundeswehr), à l’instar de la plupart des autres armées, s’ouvre de plus en plus largement à la gent féminine. Quel regard portez-vous sur cette évolution ? Avez-vous, au sein de votre institution, des échanges avec d’autres femmes au parcours similaire au vôtre ?

Il y a toujours eu des femmes dans l'armée mais, depuis plus de 20 ans, toutes les carrières sont désormais possibles. C'était et c'est une évolution nécessaire. Les femmes représentent la moitié de notre population et ont un grand potentiel à faire valoir, que la Bundeswehr doit utiliser. En tant que miroir de la société et parce que les soldats sont justement des citoyens et citoyennes en uniforme, les femmes devraient tout simplement en faire partie de manière obligatoire et naturelle. Cette évidence n’est malheureusement pas encore présente dans tous les domaines, ce qui, à mon avis, est précisément dû aux structures et images qui façonnent ou sont ancrées dans la société. La militante anglaise pour les droits des femmes Emmeline Pankhurst a dit un jour : "Les femmes ne réussiront que lorsque plus personne ne sera surpris de leur succès". Et actuellement, on est encore partiellement surpris lorsque je me présente comme commandante. Il arrive par exemple que certains pilotes ne cachent pas leur étonnement et en restent sans voix.

Bien sûr, les femmes se connaissent entre elles au sein de la marine. Nous avons parfois suivi les mêmes stages ou navigué ensemble. Il y a des échanges et des contacts. Mais je dois admettre que les femmes ne sont pas aussi douées que les hommes pour le "réseautage".

Ce numéro hors-série s’intéresse à la place des femmes dans les armées. Le simple choix de ce sujet semble indiquer que la situation ne va pas de soi. Vous semble-t-elle bien admise par tous au sein de l’institution militaire allemande en général, de la marine en particulier ?

Il est dommage que cela ne soit pas encore une évidence. Mais, dans la société civile, ce n'est pas non plus encore le cas dans tous les domaines. Des changements se font sentir et je suis convaincue qu'il faudra encore du temps pour que cela aille vraiment de soi. Mais il n'en reste pas moins que nous sommes dans l'armée et que le genre ne devrait pas être un sujet de préoccupation. Il s'agit ici de performances et de compétences. Malheureusement, on nous les refuse parfois en raison de notre sexe et nous devons toujours prouver que nous en disposons. Cela doit cesser.

Aujourd'hui, la situation est déjà acceptée, mais on ne peut pas encore parler d'évidence. L'attention portée à ma personne montre clairement que le fait d'être une femme à la tête d'une corvette est tout de même quelque chose de particulier.

Existe-t-il une spécificité féminine dans le commandement ? A contrario, avez-vous l’impression que votre genre conditionne le regard que l’on porte sur vous en tant qu’officier ?

Je suis tout à fait consciente d'avoir des qualités de leadership différentes de celles de certains hommes, mais aussi, bien sûr, de certaines femmes. J'en ai pris de plus en plus conscience au cours de mes années de service et j'ai fini par décider que je préférais être authentique plutôt que de me laisser enfermer dans un rôle de leader prédéfini.

L'une des critiques auxquelles j'ai été confrontée à plusieurs reprises au fil des ans est que je ne dirige pas de manière assez "agressive", ou que je ne suis pas assez capable de m'imposer. Ou encore que je suis trop empathique, ce qui signifie que je suis faible. Je suis en désaccord avec cela sur tous les points. Je refuse de croire qu'on ne peut pas être à la fois compatissant et fort en tant que leader et en tant qu'être humain. À mon sens, la force n'a rien à voir avec un leadership étroit et strict. Pour moi, il s'agit de motiver mon équipage et de faire comprendre pourquoi nous faisons tout cela.

Je pense qu'aujourd'hui le sexe a encore une influence en premier lieu. Toutefois, j'ai aussi constaté que ces soi-disant préjugés peuvent rapidement changer une fois que l'on a travaillé ensemble. Mais parfois, cela peut aussi être très fatigant. Le sexe ne devrait pas avoir d’importance dans ma profession, mais plutôt le caractère et la capacité à diriger.

Traduit de l’allemand

 

La rédaction