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Le musée de la colombophilie militaire

Chapeau

À Suresnes, sur les hauteurs du Mont-Valérien, se dresse le dernier colombier militaire d’Europe, vestige d’une époque où les armées avaient massivement recours aux pigeons voyageurs pour garantir leurs communications en temps de guerre.

 

Texte

"Franchir ou périr !" telle est la devise qui leur fut attribuée lors de la Première Guerre mondiale. Choyés par des équipes de sapeurs colombophiles, plus de 30 000 "combattants à plumes" assurèrent, entre 1914 et 1918, la transmission d’informations depuis les postes les plus avancés et exposés, souvent au péril de leur vie. Est ainsi bien connue l’épopée de "Vaillant", matricule 787-15, qui, envoyé en 1916 appeler du renfort par le commandant Raynal, alors encerclé avec ses hommes au fort de Vaux, mourra après avoir accompli sa mission et sera cité à l’ordre de la Nation. Vaillant n’est pas un cas isolé et plusieurs monuments existent, notamment en France ou en Belgique, qui commémorent le sacrifice et le dévouement de nombre de ses congénères.

Durant la Seconde Guerre mondiale, des milliers de pigeons furent aussi parachutés en zone occupée par les Britanniques, afin de faciliter les liaisons avec les réseaux de résistance, et il fallut attendre les lendemains du conflit pour que l’armée renonce progressivement à l’usage de ses volatiles, comme d’ailleurs à la plupart des autres animaux.

Plusieurs officiers plaidèrent toutefois auprès du général de Gaulle, après la dissolution du dernier colombier militaire opérationnel de Montoire-sur-le-Loir, en 1961, pour le maintien d’un colombier de tradition. D’abord installé à Saint-Germain-en-Laye (78), celui-ci s’établit finalement en 1981 dans le fort du Mont-Valérien, siège du 8ème régiment de transmission.

Les personnels de ce dernier colombier militaire officiel d’Europe n’entraînent plus aujourd’hui leurs pensionnaires à des fins militaires, mais ils s’efforcent de transmettre le souvenir de leur glorieux passé et de continuer à écrire un avenir à ce qui est devenu une discipline. Les pigeons qui y sont logés représentent en effet l’Armée dans les compétitions colombophiles nationales et internationales (7ème place mondiale en 1997). Les sapeurs colombophiles du colombier continuent donc aujourd’hui à entraîner
leurs champions, tout en participant à différents événements commémoratifs, aux lâchés de cérémonie, en organisant des expositions ou en présentant leurs activités, qui apparaissent désormais bien insolites, à des élèves en visite scolaire.

Dans le cadre du musée, l’équipe colombophile présente aussi l’histoire de son arme et pilote des programmes de restauration de matériels anciens, tels ceux de colombiers mobiles datant de 1939, sorte de boîte de réception pour les messages transmis. La collection en compte 3 à ce jour et l’équipe du musée se prépare à restaurer, en 2024 ou 2025, un exemplaire de 1914.

Les pigeons du Mont-Valérien sont, enfin, parfois sollicités pour des missions d’intérêt général, dont la dernière remonte aux mois de juin et juillet 2023. Durant cette période, les pigeons ont en effet testé, en partenariat avec le Muséum d’histoire naturelle de Paris et le Centre national de recherche scientifique (CNRS), des balises GPS qui équipent aujourd’hui certaines tourterelles protégées, pour étudier leurs migrations. Cette étude sera utilisée pour déterminer et rationaliser l’emplacement des éoliennes, afin de limiter leur impact négatif sur les populations d’oiseaux migrateurs.

Le colombier militaire contribue ainsi à faire vivre la colombophilie française. Chaque année, ses 145 pigeons répartis en 6 colombiers accueillent près de 8 000 visiteurs (scolaires, associations…) et le public
peut avoir la chance, lors de fêtes d’armes, d’assister à des lâchers de pigeons.


Auteur
Maréchal des Logis Sylvain - Responsable du colombier militaire

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