Les gendarmes dans la bataille de Verdun
Lorsque les troupes allemandes pénètrent sur le territoire national, les brigades de gendarmerie, dernières unités en place, doivent se replier. Jalonnant l'ennemi, les brigadiers reçoivent l'ordre de rejoindre le front qui se fixe sur la ligne Commercy-Verdun-Reims-Soissons-Compiègne. Cet afflux de personnel est vite amalgamé car les missions imparties à l'Arme sont nombreuses et les effectifs font défaut.
Comme en temps de paix, son rôle à l'intérieur et au sein de la population civile est assuré par les Brigades Territoriales. Répression des crimes et délits de droit commun, réquisitions diverses, chasse aux insoumis et aux déserteurs, surveillance des suspects sont confiés à ces unités qui se voient dégarnies d'une grande partie de leur personnel d'activé. Ces derniers sont remplacés par des réservistes, des retraités rappelés et même des auxiliaires trop âgés pour servir dans d'autres Armes.
Prélevés par roulement dans les brigades, les gendarmes d'activé (officiers et sous-officiers) vont servir au titre de la Prévôté. En effet, à toute grande unité combattante est affectée une formation prévôtale. Chargés du maintien de l'ordre dans la zone de l'unité à laquelle ils appartiennent, ces gendarmes assurent des missions pénibles physiquement, mais surtout moralement sous le mépris de leurs camarades de l'avant.
Ils continuent néanmoins à veiller à la libre circulation des convois, à poursuivre les déserteurs, les fuyards, les pillards, à s'opposer au dépouillement des morts et des blessés, et à recueillir les affaires personnelles des cadavres, afin de les expédier aux familles. Ils assurent également des missions de police judiciaire, relevant les crimes et délits commis par les personnes justifiables des tribunaux militaires, escortant les prisonniers allemands. Leur rôle diversifié les amène à faire respecter la police des lumières, causes de bombardements, autant qu'à écarter les femmes de mauvaise vie, qui, par la propagation des maladies vénériennes, risquent de causer à l'armée un déchet sérieux. Face aux troupes allemandes, les brigades de gendarmerie reçoivent l'ordre de se replier vers l'Ouest. Quotidiennement bombardés, de nombreux villages voisins la Place Forte sont évacués. Seuls restent les gendarmes afin d'assurer un minimum de maintien de l'ordre sur leur circonscription.
Gendarmes à la recherche de survivants. Haumont 1916. Source : Christophe Floquet
Logés parfois dans des ruines ou dans des caves, ils travaillent dans des conditions difficiles, secourant les civils, aidant et guidant les combattants, se heurtant souvent au problème d'une discipline assouplie des troupes revenant du front. La tâche essentielle des Brigadiers est la police administrative (circulation, secours aux blessés...) Assurant la surveillance de points de passage obligé, cibles de l'artillerie allemande, de nombreux gendarmes sont morts à leur poste pour assurer une circulation aussi aisée que possible des convois montants et descendants. Dans les ruines, et les gravats, sous les grêles d'acier, ils secourent les blessés, dégagent les morts et arrêtent les pillards.
Jusqu'en août 1915, Verdun conserve la structure de ses brigades. A partir de cette date, face aux problèmes spécifiques de la garnison (population militaire, voies de communication encombrées...) une réorganisation de la Gendarmerie est nécessaire et l'on crée le Détachement de Gendarmerie du Camp Retranché de Verdun, considéré comme une unité prévôtale. Bientôt, Verdun devient garnison d'importance stratégique. Les troupes de la Région Fortifiée s'y ravitaillent, s'y reposent parfois, y transitent. La masse soldatesque y abonde de simple poilu au général. Au milieu de cette population à majorité de militaires, le capitaine Dupre prend le commandement du Détachement du Camp retranché.
Unité à vocation prévôtale, elle n'est rattachée à aucune autre. Assurant des missions de police générale en portant secours aux blessés lors des fréquents bombardements de la ville, en arrêtant les pillards, elle n'en exécute pas moins ses tâches de police militaire en ville comme en campagne dans le secteur de Verdun. Responsables du maintien de l'ordre, les gendarmes sont souvent sollicités au profit des poilus en repos ou en transit dans la ville.
Comme leurs camarades du front, ils subissent les pluies d'acier et les gaz. Ils assurent leurs patrouilles et leurs missions de surveillance aux carrefours, points et itinéraires de ravitaillement telles que les routes stratégiques, cibles de choix pour l'ennemi. Les nombreuses citations accordées aux gendarmes du Détachement témoignent de leur zèle et de leur abnégation dans l'exécution de leurs missions. La gendarmerie prévôtale, elle, est omniprésente sur les champs de Bataille et dans toute la Région Fortifiée.
Après le repli de 1914, les effectifs des brigades sans circonscription sont réparties dans la zone de la Prévôté de la 72e Division d'Infanterie. Le capitaine BROSSE, commandant la section de Briey, prend le commandement de cette unité prévôtale. Mobilisée à Verdun, la 72e D.I. y effectue de nombreuses campagnes jusqu'en 1917. Sa prévôté est présente partout où elle se bat. Le cas de cette Division n'est pas unique. Issus de toutes les brigades de France, les gendarmes prévôtaux sont présents dans toutes les unités. Affectés au titre du régiment, ils en suivent les mouvements et leur domaine de compétence s'étend à celui de sa zone de déploiement. Assurant activement la police militaire sur les champs de bataille, ils sont peu aimés. Leur activité sur le front de Verdun est intense. Effectuant des patrouilles à pied ou à cheval entre les unités de leur ressort, ils assurent également des missions statiques tels que des pestes de police aux points de passage des troupes ou la surveillance des chemins de ravitaillement des forts. Cinq gendarmes prévôtaux de la 73e D.I. seront ainsi en poste au Tunnel de Tavannes lors de sa destruction le 4 septembre 1916 . tous y périront.
Un peu en retrait, mais directement liés à la Bataille de Verdun, des éléments prélevés sur les unités de Cavalerie renforcent, sur ordre du général en chef, la Prévôté dans sa mission de régulation sur la Voie Sacrée. Ainsi, le 22 février 1916, est créée la première Commission Régulatrice Automobile ayant pour mission de régler la circulation, la constitution et l'encadrement des colonnes de véhicules - les éléments régulateurs portent un brassard vert et blanc pour se faire reconnaître et agitent un fanion de même couleur . cet emblème est encore en vigueur aujourd'hui dans les unités de circulation routière.