Les pendaisons de Tulle
Le massacre de Tulle s’inscrit dans le processus de radicalisation de la répression à l’œuvre au sein des forces d’occupation allemandes au cours de l’année 1944. Au printemps 1944, les actions insurrectionnelles des maquis se multiplient dans la région de Clermont-Ferrand et de Limoges. Le 7 juin, les Francs-tireurs et partisans (FTP) déclenchent une opération contre la garnison allemande de Tulle qui subit des pertes sévères (entre quarante et soixante selon les sources). Le jour-même, le commandement allemand à l’ouest décide une action de grande envergure pour réprimer les maquisards et dissuader la population de les soutenir. La 189e division de réserve et tous les éléments mobiles de la 2e division blindée Waffen-SS « Das Reich » - soit environ 10 000 hommes sur 18 000 - sont alors mobilisés pour mener une entreprise d’ « intimidation » (Abschreckung) contre la ville. Selon la terminologie allemande de l’époque, il s’agit de réprimer les « bandes communistes», les « groupes de résistance » et les « terroristes ».
Le 8 juin, les FTP se replient devant l’arrivée de renforts allemands lourdement armés. Ce même jour, le général d’armée Jodl, chef d’état-major opérationnel de la Wehrmacht, reproche à l’état-major du commandant à l’ouest son manque de fermeté dans le Massif central et lui ordonne d’appliquer des mesure répressives beaucoup plus dures à l’encontre des résistants. De son côté, le général qui commandait la « Das Reich », Heinz Lammerding, partageait ce point de vue, lui qui avait servi sur le front de l’Est pendant quelques mois l’année précédente. Il recommandait d’appliquer la répression de manière radicale et préconisait la pendaison comme peine de mort infâmante dans un mémorandum en date du 5 juin 1944.
Le 9 juin, une affiche est placardée sur les murs de Tulle. Elle annonce : « 120 maquis ou leurs complices seront pendus. Leurs corps seront jetés dans le fleuve. À l’avenir, pour chaque soldat allemand qui sera blessé, trois maquis seront pendus . pour chaque soldat allemand qui sera assassiné, dix maquis ou un nombre égal de leurs complices seront pendus également ». Les troupes allemandes ont regroupé des centaines d’otages dans la manufacture d’armes de la ville. Les victimes choisies parmi ceux-ci : ce sont des hommes de dix-huit à quarante-six ans. Ils sont pendus par groupes de dix aux balcons et aux réverbères. Il s’agit clairement de terroriser la population. Sans que l’on sache avec certitude pourquoi, les pendaisons s’arrêtent après le quatre-vingt-dix-neuvième supplicié. Probablement, le fait que des blessés allemands ont été soignés à l’hôpital de la ville a-t-il pu jouer un rôle, de même que les interventions répétées de l’abbé Espinasse, l’aumônier qui assistait les condamnés.
À ce terrible bilan des 99 pendus, il faut ajouter les 20 requis garde-voies qui ont été sommairement fusillés. Enfin, 200 personnes sont déportées parmi les 360 arrêtées et internées à Limoges . 101 d’entre elles ne reviendront pas.