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Les femmes dans la Résistance, à l'égal et à la différence des hommes

Sous-titre
Par Claire Andrieu - Professeur des universités à Sciences Po

Groupe franc de Jean Garcin au maquis du Chat, Lagnes (Vaucluse), 1944. © Svintage Archive/Alamy Banque D'Images

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, à l’image de leurs homologues masculins, des femmes ont combattu dans toute l’Europe au sein des mouvements de résistance. Pourtant, faute d’un accès suffisant et privilégié aux instances de direction des réseaux clandestins, la place et le rôle spécifique qu’elles ont tenus ont souvent été minorés, voire ignorés.

Corps 1

Pourquoi étudier le rôle des femmes dans la Résistance ? S’interroge-t-on de la même façon sur le rôle des hommes ?

L’approche par "le rôle de … dans" comporte un risque, celui de la catégorisation qui assigne aux actrices ou aux acteurs un rôle délimité sur une scène prédéfinie. Or la Résistance est un ensemble ouvert, instable et fragmenté. Permanents ou intermittents, ses membres sont de plus en plus nombreux au fur et à mesure que l’espoir d’une libération s’affirme, mais ils et elles disparaissent aussi de plus en plus souvent dans les geôles de l’ennemi. Avec son turn over élevé, en termes d’effectifs comme de formations, la Résistance est un renouvellement continu. Une crise de croissance constante en résulte, à laquelle s’ajoutent les entraves portées aux communications par la clandestinité. Ces contraintes empêchent que les efforts d’organisation et d’unification produisent une centralisation effective, comparable à celle des administrations ou des armées régulières. L’État clandestin est un État informel. Sur le moment, l’instabilité des organigrammes (lors même qu’ils existent) favorise la circulation des résistants d’une fonction à l’autre, d’une position à l’autre dans le groupe ou même dans un autre. Par ailleurs, le territoire de l’État clandestin est également indéfini puisque dans cette guerre secrète, le front et l’arrière sont confondus. Le champ de bataille inclut les espaces privés comme les lieux publics, les foyers comme les cafés. Les résistantes sont les premières bénéficiaires de cette fluidité. Elles se trouvent au cœur de la lutte commune. Contrairement aux armées et à la plupart des institutions de l’époque, la Résistance est une société mixte.

Un regard masculin de la Résistance

Après la guerre, les titres et les grades que l’État républicain a pu attribuer à ses membres n’ont représenté qu’une reconstitution approximative, pour partie anachronique et fortement genrée. Le biais le plus spectaculaire est la réduction de la part des femmes à quelque 10 % des membres de la Résistance. Elles sont 12 % parmi les combattants volontaires de la Résistance (CVR – 260 000 CVR au total en 1994), 9 % parmi les médaillés de la Résistance (65 000 médaillés). Le cas extrême que représente la proportion de 6 femmes Compagnons de la Libération pour un total de 1 038 Compagnons s’explique en partie par l’histoire de l’Ordre, créé dès 1940 pour les combattants de la France libre, des militaires dans leur grande majorité.

Parmi les déportés par mesure de répression, on retrouve cette proportion de 10 % (environ 8 900 femmes déportées sur un total de près de 89 000 déportés). Il semblerait que le regard de l’oppresseur sur la Résistance en action soit aussi genré, masculin, que celui des institutions républicaines de la reconnaissance d’après-guerre. C’est une question d’époque, avec une spécificité nazie concernant la résistance juive sur laquelle a pesé un regard raciste meurtrier qui primait sur la vision genrée de l’engagement combattant. Dans l’ensemble, les femmes ont échappé à l’arrestation plus souvent que les hommes. En revanche, une fois aux mains de la Gestapo et de l’Abwehr [ndlr : service de renseignement, d’action et de contre-espionnage de l’armée allemande], leur sort n’était sans doute pas meilleur car il y a lieu de penser qu’elles ont subi des sévices spécifiques à leur sexe. On est mal renseigné, cependant, car la sexualisation des prisonnières n’a pas encore fait l’objet d’études systématiques, pas plus que les pratiques de torture en général, d’ailleurs.

 

Baucher

Carte de combattant volontaire de la Résistance. © Ordre de la Libération

 

Comment expliquer la quasi-disparition de la résistance des femmes dans les procédures d’après-guerre ? Entre 1945 et 1949, la Résistance a été définie légalement non dans le but de servir la discipline historique mais afin d’accorder des droits – des pensions militaires – ou des honneurs – des décorations. D’emblée, il s’agissait d’une entreprise sélective. De fait, près de la moitié des demandes du titre de combattant volontaire de la Résistance ont été rejetées. De ces procédures, les femmes sont sorties les grandes perdantes, pour plusieurs raisons. La première réside dans l’autocensure. Avec un taux d’activité féminine de 45 % en 1946, les femmes étaient statistiquement peu rompues aux procédures administratives et traditionnellement moins engagées que les hommes dans la course à la reconnaissance sociale. Dans le département du Nord, les demandes féminines de carte de CVR ne représentent que 8 % des quelque 20 000 demandes déposées de 1945 à 1958. L’abstention féminine est volontaire, mais le contenu des textes officiels l’a certainement renforcée. La loi privilégiait la résistance organisée, celle qui menait des activités spécifiques. La résistance au foyer n’en faisait pas souvent partie. En outre, le vocabulaire relativement martial des textes, centré sur le "salut de la patrie" et la "lutte contre l’ennemi", mettait en avant la résistance armée ou au service des armées au détriment de la multitude des actes résistants civils. En particulier, l’aide aux fugitifs civils, que ce fussent les réfractaires ou, surtout, les familles juives, n’entrait pas dans le champ de la loi. Pour finir, le texte instituant le titre de CVR disposa clairement que les isolés ne pouvaient postuler qu’à "titre exceptionnel" et s’ils pouvaient prouver qu’ils avaient "accompli habituellement des actes caractérisés de résistance pendant trois mois au moins avant le 6 juin 1944". La résistance informelle ou d’intérêt purement civil avait peu de chances de franchir toutes ces barrières. Celles qui avaient hébergé ou aidé des civils et notamment des enfants ne pouvaient se reconnaître dans un tel énoncé. Celles qui avaient caché des soldats et aviateurs alliés se souvenaient mal de leurs noms ou bien ne savaient pas comment les contacter afin de solliciter leur témoignage. La composition très masculine des commissions d’attribution aggrava-t-elle le déséquilibre ? Il manque une étude à l’échelle nationale. Dans le Nord, du moins, ce ne fut pas le cas, car il y eut finalement plus de femmes reconnues comme CVR (12 % du total) que de demandes émanant d’elles (8 %).

La silenciation des femmes

L’état des mœurs tout autant que la législation ont donc laissé les résistantes dans l’ombre. Ravivé dans les années trente, l’idéal féminin de la mère, épouse, au foyer, est resté dominant jusqu’aux années soixante. Ce cadre mental a freiné l’essor de l’histoire des femmes dans la Résistance. Une fois le danger passé, la contradiction logique entre l’image de douceur et d’innocence de la mère au foyer avec celle de la combattante a contribué à invisibiliser les résistantes. Ainsi ce résistant, ancien chef des Forces françaises de l’intérieur de l’Orne, s’efforce-t-il après la guerre de faire entrer le profil de la résistante dans celui de la femme traditionnelle : "Femmes et jeunes filles de l'Orne, qui avez sacrifié tant de choses aimables, douces ou tendres pour la cause de la Résistance, vous êtes à nos yeux le visage et l'âme de la PATRIE". Reposant sur une forme d’aporie, cette vision spiritualisée de la femme combattante n’était pas propice aux études historiques.

On ne peut parler d’occultation, cependant, parce que l’universel masculin s’accommode de quelques icônes féminines et car le septième art met en scène de nombreuses résistantes dans la même période. Dans l’après-guerre, à l’exception du Silence de la mer (1949), les femmes ne jouent que des rôles secondaires, mais les années soixante les promeuvent dans les premiers rôles (Babette s’en-va-t-en guerre, 1959 ; Le Jour et l’heure, 1963 ; La Grande Vadrouille et La Vie de château, 1966 ; L’Armée des Ombres, 1969). Chacune dans son genre, Brigitte Bardot, Marie Dubois, Marie Marquet, Catherine Deneuve, et surtout une Simone Signoret grandiose dans le personnage de Mathilde, marquent le public. À la date de 1970, période tournant dans l’histoire du féminisme et dans celle de l’historiographie de la Résistance, ces cinq films totalisent déjà plus de quinze millions de spectateurs (dont quatorze pour La Grande Vadrouille).

 

Publications

Source ‘: catalogue de la Bibliothèque nationale de France. Recherche à Mots "Femmes" dans toute la notice et Mots "Résistance"
dans toute la notice, livres imprimés, lieu de publication France, à partir de 1944. Tri final sur la Résistance française ou en France.

 

Dans le domaine de l’édition, ce sont les années 1968 qui réactivent l’intérêt pour le sujet, à la faveur du renouveau du féminisme. La courbe ci-dessus des livres parus sur les résistantes depuis 1945 illustre cette évolution. Après une brève ouverture en 1945-1946, l’histoire de la Résistance s’installe dans le masculin pour près de trente ans. Un silence impressionnant tombe sur les femmes. Un réveil se dessine dans les années 1970, et depuis, la curiosité ne cesse de croître. En 2023, la moitié des livres sur les résistantes sont parus depuis 2010. On voit que contrairement à un lieu commun persistant, les résistantes ont cessé d’être les "oubliées" de l’histoire.

Le long silence des livres sur la résistance des femmes n’est pas seulement lié au regard masculin dominant, qu’au reste, beaucoup de femmes partageaient. Il tient aussi à la finalité et aux modalités du combat résistant. D’une part, le but n’était pas la libération de la femme mais celle de la nation et de la démocratie, et, d’autre part, les femmes étaient incluses, de fait, dans la lutte. Dans la pratique, les barrières de genre étaient aisément franchies. Dans son témoignage, Lucie Aubrac a évoqué sa surprise lorsqu’en février 1944, enceinte et déjà mère d’un petit garçon, elle s’est vu qualifiée "d’homme" par un résistant, et autorisée de ce fait à participer à la discussion dans un entre-soi masculin. Pour les résistantes dans l’ensemble, l’engagement résistant n’était ni masculin ni féminin. Ce pouvait être un engagement d’être humain, d’homme au sens universel du terme. En concluant son témoignage de résistante, en 1965, Annie Guéhenno a évoqué "notre vie d’homme" dans laquelle elle et ses camarades, hommes et femmes, se sont embarqués après 1945, "avec une lourde charge de souffrance et de mort". Les résistantes auraient pu reprendre la formule de Marie-Henriette Xaintrailles s’adressant à l’empereur en 1805 : "Sire, ce n’est point en femme que j’ai fait la guerre, je l’ai faite en brave". Cette forme de neutralisation des stéréotypes de genre au nom de la défense de la patrie et/ ou de ses valeurs a contribué à diluer l’identité féminine des résistantes dans l’ensemble "Résistance".

Pionnières et autonomes...

Où sont donc les femmes ? Sont-elles les "chevilles ouvrières" de la Résistance ? Expression communément employée à leur endroit dans une grande variété de situations de la vie ordinaire (chevilles ouvrières de la famille, de la société, du rugby de telle localité, du développement de tel continent…), l’image de la cheville ouvrière convient mal à un phénomène aussi fluide et éclaté que la Résistance. Mouvement social d’échelle nationale, la Résistance n’avait ni l’unicité ni la cohésion d’une mécanique. Les rôles sociaux de sexe ont infl uencé la répartition des activités, ciblant les femmes pour les fonctions du soin et de la logistique (accueil, ravitaillement, services de santé, secrétariat, liaisons…), mais ils n’ont pas constitué un déterminant absolu. Selon les lieux et les moments, les femmes ont pu jouer un rôle pionnier, diriger ou seconder. Elles ont pu mener des actions autonomes ou répondre à des injonctions militantes, elles ont pu aussi, quoique rarement, participer à la résistance armée. Mais elles n’ont pas accédé aux responsabilités politiques.

Il semble que les femmes ont joué un rôle pionnier dans la Résistance. Il manque une étude statistique précise, mais des monographies de mouvements ou de réseaux le montrent. Par exemple, l’ethnologue Germaine Tillion initie dès l’été 1940 un service d’aide aux prisonniers de guerre coloniaux qu’elle relie rapidement au "réseau du Musée de l’homme". Ce groupe est alors en formation sur l’impulsion de la bibliothécaire du Musée, Yvonne Oddon. À l’automne de la même année, Lucie Aubrac joue un rôle actif dans la création de "La dernière colonne" (plus tard "Libération-sud"), alors que son mari Raymond est encore dubitatif. Micheline Eude pour Franc-Tireur, Bertie Albrecht pour Combat et Hélène Morkdovitch (future épouse Viannay) pour Défense de la France sont aussi des initiatrices. De la même façon, Suzanne Wilborts à Bréhat et Pauline de Saint-Venant à Nancy créent des réseaux d’évasion dès l’été 1940 ("la bande à Sidonie", "Marie-Odile"). À Paris, à l’automne 1940, Jeanine Picabia constitue un groupe de recherche de renseignements et remet ceux-ci au Consulat britannique de Marseille, de manière informelle, jusqu’à ce que l’Intelligence Service la contacte en décembre. Le groupe prend le nom de Gloria-SMH. C’est en se structurant que les organisations retrouvent souvent les schémas genrés de l’époque et écartent les femmes de leurs états-majors. Même si Hélène Viannay a été admise au comité directeur de Défense de la France, elle n’a plus écrit d’article dans le journal clandestin alors que c’est elle qui avait rédigé les premiers tracts en 1940.

 

Garcin

Groupe franc de Jean Garcin au maquis du Chat, Lagnes (Vaucluse), 1944. © Svintage Archive/Alamy Banque D'Images

 

Le caractère pionnier de l’action des femmes peut aussi s’apprécier par leur intervention en dehors ou à la marge de toute organisation. Dans l’activité d’aide et d’hébergement des soldats et aviateurs alliés dans la France occupée, les femmes jouent un rôle décisif avant même qu’un réseau d’évasion ne se manifeste. Cherchant d’abord un gîte et un couvert, les pourchassés frappent à la porte des fermes isolées. Ce sont les femmes le plus souvent, parce que présentes au foyer, qui ont alors à décider d’aider ou non, de résister, donc, ou non. Elles font le choix de la Résistance dans une écrasante majorité des cas. Après la guerre, les Alliés reconnaîtront le caractère féminin de l’accueil clandestin : parmi les quelque 34 000 "helpers" reconnus, 30 % sont des femmes. Ce taux, inférieur à la réalité, est néanmoins élevé en comparaison des taux français de reconnaissance.

Les manifestations de "ménagères", c’est-à-dire de femmes au foyer, protestant contre les pénuries et le rationnement sont une autre forme de résistance féminine autonome. Ces démonstrations faites de petits cortèges qui se forment spontanément sur les marchés et se dirigent vers la mairie ou la préfecture se sont produites par centaines dans toute la France et sur la durée de l’Occupation. Dans les premières années, s’engageant sans aucun mot d’ordre, les femmes expriment le refus de la situation alimentaire imposée par l’occupant et le gouvernement de Vichy. Elles se situent au seuil de la Résistance. La résistance communiste sera la seule à tenter de récupérer cette mobilisation. À Paris, le Parti monte deux manifestations de ménagères, le 31 mai 1942, rue de Buci, avec Madeleine Marzin et le 1er août suivant, rue Daguerre, avec Lise Ricol. Les deux femmes sont protégées par des militants armés qui font feu. Suivies de dizaines d’arrestations de militants avec parmi eux les principales protagonistes, ces initiatives n’auront pas de suite, mais la presse clandestine communiste s’empare alors du thème de la défense de la ménagère et de la famille à travers les bulletins de l’Union des Femmes Françaises.

... mais largement exclues du maniement des armes

S’il est un domaine d’activité où les femmes sont peu représentées, c’est bien celui de la résistance armée. Les maquis sont des lieux presque exclusivement masculins où règne la fraternité "virile" du combat. Créés au départ pour cacher et entraîner les réfractaires du Service du travail obligatoire (STO), ces camps reposent sur un recrutement masculin. Leur fonction de base armée achève d’en marginaliser la présence des femmes. Parachutée dans le maquis breton après une formation à la fabrication et au maniement des explosifs, Jeanne Bohec se vit refuser une mitraillette par ses camarades de sabotage au moment de l’attaque du maquis Saint-Marcel par les Allemands. Elle obtint de transporter les grenades auprès des combattants. La transgression qu’aurait représentée une mobilisation des femmes sur le modèle masculin était difficilement envisageable dans cette partie de l’Europe où la violence légale restait un symbole exclusivement masculin. La Résistance n’a pas créé de bataillon féminin, à la seule exception du groupe Rodina ("patrie" en russe) formé par 37 femmes russes et biélorusses déportées en France comme travailleuses esclaves. En mai 1944, des maquisards lorrains les avaient aidées à s’évader du camp d’Errouville, en Meurthe-et-Moselle, et elles avaient réussi à s’imposer en maquis féminin autonome, à la manière des unités féminines de l’Armée Rouge. D’une façon générale, les maquisards étaient cependant en liaison constante avec des femmes, des fermières pour le ravitaillement et l’hébergement occasionnel, des agentes de liaison, des infirmières. Certaines pouvaient séjourner provisoirement au maquis. Leur identité de femme s’effaçait alors devant celle de maquisarde. "Ce n’est pas une femme, c’est Anna" répondit vertement un maquisard à un nouvel arrivé qui s’étonnait d’une présence féminine au maquis.

 

Tillion

Dessins de Ernest-Pignon représentant Germaine Tillion (à gauche) et Geneviève de Gaulle-Anthonioz (à droite)
affchés à l’occasion de leur entrée au Panthéon, 26 mai 2015. © AFP PHOTO/MARTIN BUREAU/AFP

 

La politique, un apanage masculin

On ne peut véritablement parler d’exclusion que dans le domaine politique. Aucune femme n’a accédé aux responsabilités nationales. Aucune n’a siégé à Londres dans le Comité national français, ni à Alger dans le Comité français de la Libération nationale ou le Gouvernement provisoire de la République française ; aucune non plus à la tête des directions de Commissariats ou des services de ces autorités. La situation est identique en France occupée, que ce soit dans la Délégation générale du général de Gaulle, le Conseil national de la Résistance (CNR) ou le Comité général d’Études. En mars 1944, le CNR refuse même d’insérer le droit de vote des femmes dans son programme, tandis qu’en avril à Alger, l’Assemblée consultative provisoire ne l’accorde sans réserve qu’après d’âpres discussions. Seules deux femmes y avaient été nommées parmi la centaine de délégués : Lucie Aubrac et Marthe Simard. Parmi les membres des Comités départementaux de la Libération (CDL) formés dans la clandestinité, on comptait néanmoins 8 % de femmes en 1944, un taux de féminisation remarquable si on le compare à la présence des femmes dans les Conseils généraux en 1969 (2 %). S’il y eut en France occupée quelques cheffes de réseaux de renseignements ou d’évasion, il n’y eut aucune femme cheffe de mouvement de résistance ou de maquis. La politique qui y mène et l’usage des armes restaient une affaire d’hommes.

Si la "grande histoire" de la Résistance est restée un monopole masculin du fait de l’exclusion des femmes du domaine politique, le fait était conforme au système de genre de l’époque et n’a pas suscité d’opposition organisée. Pourtant, la participation des femmes à la Résistance a été aussi importante que celle des hommes. Dans l’ordre symbolique, elle a constitué un franchissement des normes et ouvert une brèche dans le système de représentations patriarcal. La panthéonisation de deux résistantes en 2015, Germaine Tillion et Geneviève Anthonioz de Gaulle, en a été le tardif écho.

 

Claire Andrieu - Professeur des universités à Sciences Po