Chapitre : Formes indirectes de la puissance : une approche géopolitique
- Capitaine Pozzer, « Défense et illustration de la langue française dans notre armée », Cahier de la pensée mili-Terre, CDEC, juillet 2018
Le soft power en pratique : le cas des États-Unis
Depuis 1918, le rayonnement culturel de la puissance américaine a été théorisé sous le concept de “soft power” connaissant son apogée en 1991 avec les stars américaines et les marques comme Coca-Cola ou McDonald’s. Aux prémices du nouvel ordre mondial (1991-2003), l’hégémonie américaine s’est atténuée sous le développement du rayonnement nouveaux pays, restant cependant la plus influente du monde.
Créé en 1792, le dollar a évincé l’étalon-or des transactions internationales dès 1933, sous l’élan de la puissance grandissante des Etats-Unis construisant un système monétaire international. Ses fluctuations, volontaires ou spontanées, peuvent ébranler la santé économique de nombreux pays.
L’extraterritorialité judiciaire américaine induit une portée du droit au-delà des frontières nationales. Cet outil puissant de contrôle des activités internationales, exacerbées depuis la mondialisation économique, revêt également un pan stratégique par son utilisation envers la lutte contre le terrorisme ou la corruption.
Le Cloud Act, voté en 2018, permet aux autorités américaines d’avoir accès aux données stockées à l’étranger par des entreprises américaines dans le cadre exclusif d’une procédure judiciaire. Cette loi, passée inaperçue et votée deux mois avant l’entrée en vigueur du Règlement Européen sur la Protection des Données, révèle l’importance des enjeux souverains de la Révolution numérique.
|
Rivalités sino-US et ambitions chinoises
La crise entre Washington et Pékin témoigne d’une lutte pour le leadership entre les deux grandes puissances. Les États-Unis durcissent le ton et renforcent leur système de protection. La Chine dissipe l’idée d’une “menace chinoise” et répond indirectement aux tensions.
Les relations entre Chine et Etats-Unis sont duales : elles sont à la fois concurrentes et interdépendantes. Les deux puissances entretiennent une rivalité : financière (Pékin est le plus gros créancier de Washington), commerciale (E-U taxent les produits chinois), stratégico-militaire (course à la domination balistique et spatiale) et politique (proposition d’un contre-modèle par Pékin).
Reconnue mondialement pour sa puissance économique, la République populaire de Chine ambitionne d’être une puissance globale, notamment par le rayonnement de son soft power aux multiples visages. Financièrement à travers la Banque asiatique de développement pour les infrastructures, le rayonnement chinois prend aussi une forme culturelle avec l’Institut Confucius et scientifique par la recherche spatiale.
Depuis 1990, le gouvernement mène une politique volontariste de construction d’un web chinois, qui a conduit à la création de quatre acteurs majeurs du numérique : Baidu (moteur de recherche), Alibaba (plateforme d’achat en ligne), Tencent (réseaux sociaux) et Xiaomi (téléphonie mobile).
Dans un contexte de nouvelles routes de la soie terrestres allant jusqu’en Europe, la Chine a souhaité tirer profit de 16 pays d’Europe de l’Est et Centrale. Ils ont ensemble établi des partenariats économiques au travers d’investissements et de rachats d’entreprises locales. Ce partenariat permet également à Pékin d’étendre son influence politique en Europe.
Pékin étend son réseau d’influence jusqu’au Moyen-Orient. Elle a conclu avec l’Egypte un “partenariat stratégique global” regroupant les secteurs économique, diplomatique et sécuritaire. La Chine a également joué un rôle de médiateur dans le conflit israélo-palestinien, rôle symbolique qui a permis à Pékin de se placer en défenseur des plus faibles. La RPC essaie de s’assurer une place dans les prochaines dynamiques géopolitiques de la région.
A la cinquième place du classement des devises mondiales, le Yuan n’est pas en mesure de concurrencer le dollar comme l’avait ambitionné Pékin. La Chine, qui contrôle le taux de change de la monnaie, en profite pour avantager les entreprises chinoises. Cependant l’utilisation de la monnaie en tant qu’arme commerciale présente beaucoup de risques, les entreprises n’osant plus acheter en yuans. La monnaie restera pour l’instant une monnaie régionale.
|