Félix Eboué
Adolphe Félix Eboué naît le 26 décembre 1884 à Cayenne (Guyane), quatrième d'une famille noire de cinq enfants. Son père, d'abord orpailleur, tiendra avec son épouse, après 1898, une épicerie.
En 1901 il obtient une demi-bourse pour poursuivre sa scolarité à Bordeaux. Bachelier en 1905, il gagne Paris et l'école coloniale dont il sort diplômé en 1908. Très tôt, il est attiré par l'Afrique noire et ses civilisations auxquelles se rattache sa condition de créole. Il s'oriente donc vers l'administration des colonies africaines, et obtient son affectation comme administrateur en chef en 1909 dans l'Oubangui-Chari (aujourd'hui la République Centrafricaine) où la pénétration occidentale n'est pas encore partout assurée. Il va demeurer en poste jusqu'en 1933, revenant régulièrement en Guyane pour ses congés. Il y épouse Eugénie Tell en 1921.
En Afrique noire, Félix Eboué élabore sa propre conception de la politique coloniale, tentant de concilier la modernisation de la vie matérielle et le maintien de la culture africaine. C'est ainsi qu'il favorise les productions nouvelles comme le coton, développe l'infrastructure routière ferroviaire. Parallèlement, il pousse à sauvegarder les cultures vivrières, s'initie aux langues locales, étend ses recherches sur les traditions...
Partisan de l'association - et non de l'assimilation - des peuples colonisés, il se heurte souvent à ses supérieurs hiérarchiques qui ont peu apprécié son adhésion, en 1928, à la Ligue des droits de l'homme. Félix Eboué veut en effet assumer le pari délicat d'être à la fois un administrateur colonial rigoureux et un humaniste intransigeant.
En 1934, il part pour le Soudan français (aujourd'hui le Mali). S'appuyant sur les élites noires, il entreprend la mise en valeur des rives du Soudan, la sédentarisation des nomades pour cultiver les terres. Entre-temps, en 1932 et 1933, il fut secrétaire général en Martinique, où il a cherché à développer l'île, à améliorer la condition des plus démunis, à atténuer les antagonismes entre Blancs, Métis et Noirs.
Rappelé du Soudan, il est chargé, en septembre 1936, d'appliquer la politique du Front Populaire en Guadeloupe. Trouvant sur cette île morcelée une situation de crise, il ouvre des négociations, engage un plan d'aide au crédit, de formation professionnelle, de construction de cités, et assainit les finances publiques.
Le 4 janvier 1939, il est nommé gouverneur du Tchad, nouvelle colonie tout juste pacifiée. Conscient de l'importance stratégique du pays, alors que la menace italienne se précise dans la région, il lance de grands travaux d'infrastructures.
Le 6 juin 1940, la nouvelle de la défaite des armées françaises et de l'armistice parviennent à Fort-Lamy. L'appel du général de Gaulle est aussi appris quelques jours plus tard. A Brazzaville, après avoir hésité, Boisson, gouverneur général de FA.E.F, fait allégeance au maréchal Pétain. Le 29 juin. Eboué, qui juge que cet armistice prive sa patrie des valeurs qu'il a toujours défendues, câble sa détermination de ne pas en appliquer les clauses. Bien que son isolement géographique le place dans une position inconfortable, le Tchad reste en état de guerre. Le 16 juillet, un télégramme du général de Gaulle lui apporte l'appui du chef de la France Libre dont les émissaires arrivent le 24 août. Le 26, une proclamation annonce le ralliement du Tchad à la France Libre. Le Cameroun, le Congo, suivent l'exemple : Eboué a donné le signal de la dissidence africaine, apportant à la cause de la France combattante un point d'appui exceptionnel.
Relevé de ses fonctions et condamné à mort par contumace par le Gouvernement de Vichy, Félix Eboué est nommé, le 13 novembre, gouverneur général de l'Afrique équatoriale française par le général de Gaulle, et siège au Conseil de défense de l'empire. Le Tchad devient la base arrière des Français qui reprennent le combat : c'est de là que Leclerc lance en mars 1942 son raid légendaire sur Koufra, et que les F.F.L. attaquent les Italiens au Fezzan puis en Tripolitaine.
En même temps qu'il assure l'approvisionnement de ces troupes, organise une économie de guerre, rétablit les circuits commerciaux, Eboué cherche à ramener la paix civile en A.E.F., atténuant les tensions nées en 1940 entre gaullistes et pétainistes.
Parallèlement, il est convaincu que l'autorité française ne peut se maintenir durablement en Afrique noire sans une profonde réforme de la politique coloniale.
Dans cet esprit, sa circulaire du 8 novembre 1941 prévoit ainsi le respect du droit coutumier, l'association des conseils africains à l'administration, la formation de cadres indigènes, l'extension de contrats de travail, etc. En juillet 1942, le général de Gaulle signe trois décrets allant dans le même sens.
Le 30 janvier 1944, le chef de la France Libre ouvre à Brazzaville une conférence sur l'avenir des territoires français d'Afrique. Reprenant des thèmes chers à Eboué, comme la participation indigène à l'administration ou à la redistribution des régions en fonction des appartenances ethniques, les recommandations de la conférence le laissent insatisfait puisqu'elles rejettent toute autonomie à terme, tout en préconisant une représentation élue des territoires africains. Fatigué, Eboué prend un congé et part en février 1944 avec sa famille - qui, de France, l'a rejoint en 1942 - en Egypte. Il trouve l'occasion d'oeuvrer aux relations diplomatiques entre ce pays et le gouvernement provisoire de la République française.
Le 17 mai 1944, il meurt des suites d'une congestion pulmonaire.
Le 19 mai 1949, les cendres de Félix Eboué sont transférées au Panthéon à Paris. A cette occasion, Gaston Monnerville, président du Sénat, rappelle que "c'est (un) message d'humanité qui a guidé Félix Eboué, et nous tous, Résistants d'outre-mer, à l'heure où le fanatisme bestial menaçait d'éteindre les lumières de l'esprit et où, avec la France, risquait de sombrer la liberté".
La mémoire de Félix Eboué est aujourd'hui rappelée à travers plusieurs monuments et plaques commémoratifs.
À Paris, son nom, joint à celui de Daumesnil, se retrouve dans une station du métropolitain.