La France et Madagascar
Les débuts d'une histoire commune
Les liens de la France et de Madagascar dans les combats menés en commun pendant les deux guerres mondiales, se situent dans la continuité d’une longue histoire.
Après avoir été découverte par les Portugais, Madagascar est "visitée" par des navigateurs français. Richelieu notamment souhaite affirmer la présence du roi de France dans la grande île. La France fonde en 1643 le comptoir de Fort Dauphin à la pointe sud-est de Madagascar qui est alors baptisée "île dauphine". Si cette première tentative d'implantation n'a pas de lendemain immédiat, une seconde initiative française intervient sous le règne de Louis XV puis sous le consulat où un comptoir est fondé à Tamatave en 1803. Ce comptoir est pris par les Anglais en 1811. À l'intérieur de l'île, pendant ce temps, plusieurs peuples tentent successivement d'établir leur hégémonie sur d'autres peuples plus faibles. C'est ainsi qu'après la période Sakalave au XVIIe siècle Madagascar est dominée, au XVIIIe siècle, par le royaume Mérina ou Hova, constitué à partir de la région centrale.
Le roi Radama 1er. Source : Domaine public
Les Britanniques aident alors le roi Radama Ier à se rendre maître de la plus grande partie de Madagascar et celle-ci devient presque un protectorat anglais. Les Anglais s’appuient sur les missions anglicanes pour favoriser leur expansion.
Les Britanniques aident alors le roi Radama Ier à se rendre maître de la plus grande partie de Madagascar et celle-ci devient presque un protectorat anglais. Les Anglais s’appuient sur les missions anglicanes pour favoriser leur expansion.
Photographie de la reine Ranavalona III. Source : Domaine public
C'est ainsi qu'au moment où la reine Ranavalona III prend le pouvoir en 1883, la France bombarde Tamatave et impose un traité de protectorat en 1885. La France annexe Diego Suarez à la pointe septentrionale de l'île et impose la présence d'un résident général à Tananarive, la capitale du royaume Mérina. La reine, toutefois, à l'instigation de l'aristocratie Hova, résiste à l'implantation française. La France envoie alors un corps expéditionnaire qui s'empare de Tananarive et impose un second traité de protectorat en 1895. Une insurrection quasi-générale se déclenche et le nouveau résident général, le général Gallieni, dépose la reine en 1897. En combinant la force et la diplomatie, il mène énergiquement les opérations de pacification, brillamment secondé par des lieutenants comme Lyautey et Joffre.
Cette œuvre s'accompagne de la modernisation de l'île et de sa mise en valeur économique. Madagascar est donc depuis l'annexion une colonie française.
Madagascar dans
Les tirailleurs malgaches avant leur départ de Madagascar pour aller combattre en France. Source : mada.pro
Dès le début du conflit plus de 45 000 Malgaches sont mobilisés dans l'armée française et 41 000 d'entre eux sont affectés à des unités combattantes notamment dans des unités de tirailleurs malgaches. Parmi les 4 000 autres militaires, on compte environ 1 900 infirmiers et 2 000 commis d'administration et ouvriers d'artillerie. De plus, 5 355 travailleurs sont employés par la France dans les usines d'armement ou les fabriques de poudre.
Tirailleurs malgaches à la Tremblade en 1917. Source : Carte ancienne. Collection privée.
Parmi les combattants, 10 000 hommes sont incorporés dans des régiments d'artillerie lourde et 2 500 sont formés comme conducteurs d'automobiles à Lunel dans l'Hérault. Entre 1915 et 1918, 21 bataillons d'étapes sont formés dans lesquels les tirailleurs malgaches font preuve de qualité de dévouement, de disponibilité et d'empressement au travail dans des circonstances difficiles. Ces unités, employées sur le front au contact de l'ennemi, montrent une très belle tenue et une attitude ferme et le haut commandement crée alors un premier bataillon malgache combattant en octobre 1916.
Des tirailleurs malgaches à bord de l'Océanien, dans le port de La Valette, en rade de Malte. Décembre 1917. Source : ECPAD
Au total 2 400 hommes meurent au combat et 1 835 sont blessés. Parmi tous les exploits réalisés par les Malgaches dans la Grande Guerre, la conduite héroïque du 12ème bataillon de tirailleurs au cours des opérations de l'automne de 1918, où il est cité trois fois, est qualifiée de magnifique par le général Mangin. Son fanion reçoit la croix de guerre avec étoile d'argent, c'est-à-dire la Fourragère.
Soldats malgaches. Reims. Source : Carte postale
Les Malgaches morts pour la France reposent dans plusieurs cimetières militaires nationaux. Les plus nombreux ont été inhumés primitivement dans les cimetières militaires de Fréjus (camps Galliéni, de la Baume, Robert) et réinhumés en 1966, lors d'une grande opération de regroupement des corps, dans la nécropole nationale de Luynes, près d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône).
Nécropole nationale de Luynes. Source : MINDEF/SGA/DMPA-ONAVG
Dans les années vingt, le monument commémorant les Malgaches "morts pour la France" au cours de la Première Guerre mondiale fut édifié à Paris dans le Jardin tropical du bois de Vincennes.
Monument au souvenir des soldats de Madagascar. Auteur : Gilles Roland. Source : MINDEF/SGA/DMPA
Madagascar dans la Seconde Guerre Mondiale
Entre les deux guerres, l'exploitation des ressources de Madagascar se poursuit, ainsi que la modernisation de l'île, mais les revendications malgaches, à l'instar de celles d'autres colonies, ne sont cependant pas satisfaites. Malgré tout, dès 1939, les Malgaches répondent à l'appel de la France et 10 500 d'entre eux participent à la campagne de France en 1940, dont le tiers tombe au combat. Les 3ème, 11ème régiments d'artillerie coloniaux et le 42ème bataillon de tirailleurs malgaches s'illustrent particulièrement, tandis que des tirailleurs combattent bravement dans le cadre d'unités africaines.
Après l'armistice, l'île, sous la direction notamment du gouverneur général Annet, reste sous l'autorité du gouvernement de Vichy. Certains dirigeants nazis souhaitaient, du moins, dans un premier temps, déporter les juifs dans la grande île.
L'opération Ironclad (« cuirassé », « blindé ») : invasion britannique de la colonie française de Madagascar, alors sous l'autorité du gouvernement de Vichy.
Vue générale des navires de guerre et des navires marchands britanniques dans le port de Diego Suarez, après la reddition des Français. Mai 1942.
Source : Imperial War Museum.
Après l'entrée en guerre du Japon et les menaces que fait peser l'empire du Soleil Levant sur l'océan Indien, les Anglais se présentent, le 5 mai 1942, devant Diego Suarez où les troupes restées fidèles à Vichy engagent les hostilités. Après trois jours de combats, la base capitule. Les Français se replient à l'intérieur de l'île dans des régions difficiles où les tirailleurs malgaches mettent à profit leur connaissance du terrain.
Des troupes débarquent de chalands de débarquement (LCA 164) dans le port de Tamatave, le principal port de Madagascar. 19 septembre 1942.
Source : Imperial War Museum
Les opérations reprennent le 10 septembre et se terminent par la capitulation du gouverneur Annet le 5 novembre 1942. Ces combats peu glorieux laissent certainement des traces à Madagascar, mais les Anglais finissent par remettre l'île entre les mains de la France Libre, le 14 décembre 1942. Des Malgaches combattent à nouveau aux côtés des Français contre l'Allemagne et certains d'entre eux prisonniers depuis 1940, s'évadent et participent à la Résistance.
Il convient de noter en effet qu'en métropole, les prisonniers de guerre coloniaux, internés dans les Fronstalags, sont administrés, depuis le 17 février 1943, par les militaires français. Peu à peu, ils sont transformés en "travailleurs libres", employés essentiellement aux travaux agricoles. Par ailleurs, 8 016 Malgaches sont incorporés aux Groupements militaires d'indigènes coloniaux rapatriables, créés durant l'hiver 1942-1943. Ces compagnies sont utilisées pour des tâches d'utilité publique par les autorités françaises, mais aussi par l'Occupant sur des chantiers de l'organisation Todt.
De nombreuses tentatives d'évasion vont se produire, dont beaucoup réussiront au profit de la Résistance. L'exemple le plus célèbre demeure celui de Justin Resokafany, tirailleur évadé en juin 1940 du Fronstalag 135 (Rennes), qui passe en Angleterre. Affecté à la 1ère D.F.L., il participe aux campagnes de Tunisie et d'Italie. Capturé, ramené en France et interné au Fronstalag 153 (Orléans), il s'évade à nouveau, gagne l'Indre où il rejoint les F.F.I., participant avec eux à la libération de la région. Il reçoit la Croix de Guerre avec palme. 11 Malgaches ont ainsi reçu la médaille des évadés.
Deux exemples de monuments caractéristiques :
Monthermé (Ardennes) : Monument aux morts de la 42è Demi-brigade mixte (qui comprenait de nombreux Malgaches) tombés lors des combats du 13 mai 1940 pour la défense du passage de la Meuse.
Monument commémoratif de Laxou. Source : Anciens cols bleus.net
Laxou (Meurthe-et-Moselle) : monument commémorant l'exécution de prisonniers malgaches en juin 1940 par les Allemands. Ces prisonniers, des artilleurs malgaches, étaient partis de Commercy à marche forcée . arrivés à Laxou, ils manifestèrent leur mécontentement de ne rien avoir à manger et à boire. Pour mater le mouvement, leurs gardiens en prirent 7 au hasard et les fusillèrent sur place. Les corps, dont un seul identifié, reposent dans le carré militaire du cimetière de Laxou.
La décolonisation
Les conséquences de la tragédie de 1940, jointes aux opérations de 1942 et à la perte de prestige qui en résulte pour la puissance coloniale, accroissent la force des revendications nationalistes.
En 1946, le mouvement démocratique de la rénovation malgache (MDRM) réclame l'indépendance au sein de l'Union française en formation et deux sociétés secrètes décident de chasser les Français en déclenchant une vague de violences dans de nombreux endroits de l'île, lors de la nuit du 29 au 30 mars 1947. De nombreux Français sont assassinés et leurs biens sont pillés. La France réagit alors de façon extrêmement brutale, l'armée française utilisant une majorité de troupes africaines encadrées par des Français de souche. La reconquête doit durer jusqu'en 1949 et la répression est extrêmement dure. Le chiffre de 80 000 tués malgaches a été avancé. Les chefs nationalistes sont jugés au cours d'un grand procès à l'été 1948. L'état de siège n'est levé qu'en 1956.
La République malgache proclamée en 1958, d'abord dans le cadre de la Communauté, acquiert sa pleine indépendance en 1960 et la France retire ses troupes par étapes.
Défilé en l'honneur de l'indépendance de Madagascar, le16 juin 1960. Source : GNU Free Documentation License
Aujourd'hui, les relations franco-malgaches, importantes économiquement, restent marquées par cette histoire commune. Elles sont donc contrastées. Mais si le peuple malgache reste sensible à certaines tragédies comme celles qui eurent lieu entre 1947 et 1949, il n'oublie pas et la France ne doit pas non plus oublier les combats communs qui peuvent alimenter notre mémoire partagée.