Le Vercors
Dès 1940, le Vercors, véritable forteresse naturelle de soixante kilomètres de long sur trente de large, à plus de 2 340 m d’altitude entre l’Isère et la Drôme, est un lieu de refuge en particulier pour les victimes des mesures de discriminations politiques ou raciales du gouvernement de Vichy.
Avec l’occupation de la zone sud en novembre 1942, la montagne du Vercors devient aussi le site de résistance pour ceux qui refusent l’idée d’une France soumise. Les réfractaires au STO, le Service de travail obligatoire qui envoie les jeunes Français travailler en Allemagne, viennent grossir les rangs des maquis.
Jeunes maquisards. Source : Archives départementales de la Drôme
Mais il manque un plan, une stratégie, à ces maquisards. En fait, dès 1942, Pierre Dalloz et son ami l’écrivain Jean Prévost ont l’idée de transformer le massif en « Cheval de Troie pour commandos aéroportés ». Cette idée prend corps en janvier 1943 : le Vercors interviendrait au moment d’un débarquement allié attendu en Provence et les troupes aéroportées iraient immédiatement porter le combat sur les arrières de l’ennemi.
Le projet, accepté par Jean Moulin et le général Delestraint, commandant de l’Armée Secrète, devient le « plan Montagnards ». Il est approuvé par le général de Gaulle et les Alliés à Londres comme à Alger. Ce plan est mis en œuvre par Alain Le Ray puis par François Huet, chefs militaires du Vercors en liaison avec Eugène Chavant, chef civil du maquis. Il semble entendu que la constitution de ce maquis et sa mise en alerte ne se fera qu’au cours de l’été 1944 après le débarquement dans le Midi.
Dés 1943, la résistance s’organise dans le massif. Au cœur de forêts, une douzaine de camps existent. Début 1944, ils rassemblent 400 à 500 civils et militaires, souvent très jeunes, ravitaillés par une population généralement favorable, approvisionnés en armes et en médicaments par les parachutages alliés.
B-17 de l'USAAF larguant du matériel destiné au maquis. Source : USSTAF photographer.
Le 6 juin 1944, le Vercors répond à l’ordre de mobilisation générale. Les 25 et 28 juin, de nombreux parachutages permettent d’armer les résistants. Début juillet, 4 000 volontaires proclament la « République du Vercors », faisant flotter le drapeau tricolore sur un territoire déclaré « libre ». Ce massif en armes est un défi à l’ennemi. A Grenoble, le général allemand Pflaum décide d’en finir. Le « plan Montagnards » n’est pas appliqué. Les maquisards, assaillants potentiels, deviennent assiégés.
Tout au long de juin, les Allemands mènent plusieurs offensives destinées à mesurer la résistance effective du maquis : les 13 et 15 juin contre le village de Saint-Nizier qui est brûlé, les 17 et 24 juin dans le défilé des Ecouges.
Le trafic ferroviaire est perturbé, des embuscades sont tendues, des missions alliées sont parachutées, des containers largués. Les maquisards aménagent des terrains pour recevoir les avions qu'ils attendent. Dans les villages des vallées, les résistants capturés sont fusillés.
Le 14 juillet, un largage de containers au-dessus de Vassieux est suivi d'un bombardement allemand qui détruit le village. Les messages de demandes d'intervention aérienne et de munitions continuent à être lancés vers Alger.
Les Allemands ont mis en œuvre de gros moyens : quatre bataillons de la 157e division alpine de la Wehrmacht, deux batteries d'artillerie de montagne, trois bataillons de supplétifs recrutés parmi les prisonniers soviétiques, 200 hommes de la Feldgendarmerie, une partie d'un régiment de sécurité, le tout appuyé par une escadre aérienne.
Le 19 juillet, l'ennemi prend position à Saint-Nizier et à Paillasse, attaque au col de Grimone. Le lendemain, il attaque Crest et Saint Nazaire-en-Royans, achevant l'encerclement du Vercors.
Le 21 juillet 1944, après quelques offensives destinées à mesurer la résistance effective du maquis, notamment à Saint-Nizier, les 13 et 15 juin 1944, et aux Ecouges, le 21 juin, Pflaum lance 15 000 hommes, soustraits du front normand, à l’assaut du Vercors. L’attaque est générale, par les routes, par les cols escarpés que l’on ne franchit qu’à pied, et par les airs à Vassieux se posent les planeurs de la Waffen SS là où auraient dû atterrir les Alliés : 200 SS en débarquent tandis que 300 autres sont parachutés. Au soir, l'ennemi est maître du village . 11 villageois ont été fusillés, 101 résistants tués. Les Allemands atteignent, au sud, Châtillon-en-Diois et le Pas de l'Aiguille, au nord, Villard-de-Lans et Autrans, à l'ouest, Saint-Jean-de-Royans.
Le 22, la progression allemande, que les maquisards tentent de contrer en manœuvrant, se poursuit lentement. Le Pas de la Balme, le col du Pionnier sont occupés. Die est conquise.
Le 23, les résistants contre-attaquent à Vassieux mais doivent se replier, tandis que renforts allemands sont acheminés sur le plateau. Les combats s'intensifient. Une compagnie du maquis est anéantie à Valechevrière. Le secteur des Pas finit par tomber. Les unités résistantes commencent à se disperser dans les forêts.
Le 24, les Allemands sont au col du Rousset, Pré-Grandu. Les maquisards blessés mais valides évacuent la Grotte de la Luire, transformée en hôpital. Les Alliés bombardent le terrain d'aviation de Chabeuil.
Le 25, les différents détachements allemands font leur jonction. La Chapelle-en-Vercors est pillée, 16 otages exécutés. Les derniers résistants gagnent La Mure, Vezon.
Le 26, beaucoup de jeunes recrues, refluant de Saint-André-de-Royans vers la plaine tombent aux mains de l'ennemi. Aux Petits-Goulet, 104 maquisards parviennent à échapper aux battues allemandes.
Le 27, les maquisards de la zone sud du plateau se replient en infligeant des pertes sensibles à l'ennemi. Des éléments de la 157e DI allemande s'emparent de la Grotte de la Luire où ils achèvent les grands blessés. La répression s'intensifie sur le plateau.
Le 28, les maquisards arrêtent une colonne ennemie qui avançait vers le col de Limouches, mais une nouvelle tentative allemande réussit le lendemain. Le village de Léoncel est pillé.
Dans le secteur Drôme Sud, de vifs accrochages vont se poursuivre.
Chapelle de Valchevrière, Isère, France. Source : Photo Eric Lapeyre
Après une semaine d’un combat acharné mais inégal, le Vercors est à genoux. Plus de 600 résistants et une centaine d’Allemands sont tués.
Cimetière provisoire de Vassieux-en Vercors. Source : Archives départementales de la Drôme
Quant à la population, exposée à la sauvagerie des assaillants, elle paie un lourd tribut : 201 personnes meurent dans des conditions souvent atroces, 41 autres sont déportées, 573 maisons sont détruites.
Ruine de Vassieux : Abandonné plus que trahi, le Vercors deviendra depuis ce drame un lieu de mémoire, associant résistance, liberté mais également héroïsme tragique.
Source : Archives départementales de la Drôme