Les combats de Saumur
Sous-titre
19-20 juin 1940
Le 10 mai 1940, à l'issue de la "drôle de guerre", l'Allemagne lance ses armées contre la France et la Belgique.
Après l'avoir emporté dans la Somme et dans l’Aisne, l’ennemi progresse vers la Seine. Le Général Weygand, commandant en chef des armées françaises depuis le 20 mai 1940, ordonne de mettre en défense toutes les rivières susceptibles de barrer vers le sud la route de l’invasion.
Fin mai, la défense de la Loire est donc décidée, sous le commandement du général Vary.
La partie du fleuve qui s'étend de Port-Boulet (Indre-et-Loire) à Gennes (Maine-et-Loire) va être le théâtre d'un combat de retardement devenu légendaire.
À l’École de cavalerie de Saumur est attribué le secteur allant du confluent de la Vienne et de la Loire, à l’est, jusqu'au Thoureil à l’Ouest, soit un front d'une quarantaine de kilomètres. Dans ce secteur se trouvent déjà diverses unités, souvent rescapées des précédents combats : des éléments du 19e régiment de dragons, du 13e régiment de tirailleurs algériens (RTA), les restes du groupe franc de Neuchèze, etc.
Maxime Weygand. Source SHD
Ce front comprend quatre points de franchissement de la Loire : le pont de Monsoreau, le viaduc de chemin de Fer, les ponts de Saumur de part et d’autre de l’Ile Offard et le pont de Gennes.
À partir du 10 juin, les troupes allemandes franchissent la Seine. Le 14 elles entrent dans Paris. La Loire reste le seul obstacle qui permette de tenter l’ultime bataille.
Le 15 juin, l’École de cavalerie – qui n'est pas une unité combattante – reçoit l’ordre de se replier sur Montauban.
Pour son commandant, le colonel Michon, cet ordre crée un dilemme : son application entraînerait un trou de 40 Km dans le dispositif de défense de la Loire. Dans un premier temps, il obtient de ne renvoyer à l’arrière que les éléments inaptes au combat, maintenant notamment sur place les cadres et les élèves.
Le 17 juin, l'ordre de cesser les combats est donné par le maréchal Pétain qui a demandé l'armistice. Le Colonel Michon consulte ses cadres : tous choisissent, pour l'honneur de l'école, d'affronter les Allemands sur la Loire.
Pour faire face aux deux divisions allemandes – près de 40 000 hommes et 300 pièces d'artillerie – qui foncent vers le Saumurois, les Français ont à opposer 2 500 hommes : 550 élèves aspirants de réserve (EAR) de cavalerie, 240 EAR du Train, 300 fantassins et mitrailleurs du 13e RTA, etc. L'armement est faible : 5 canons de 75, 13 canons anti-chars, quelques mortiers de 60 et de 81... Les élèves de l'école de cavalerie ne sont armés que d'un mousqueton par homme et de fusils mitrailleurs et de mitrailleuses Saint-Etienne modèle 1915 servant à l’instruction.
Compte tenu de ces moyens, les ponts vont constituer les points de défense.
Le 18 juin à 13 h 30, tandis que les Allemands approchent, les éléments français, PC et escadrons, prennent position aux emplacements prévus.
Le contact a lieu peu après minuit, le 19 juin. Les premiers combats sont violents : sept chars ennemis sont détruits au pont nord de Saumur avant que celui-ci ne saute. Pour ne pas être débordés, les Français doivent détruire plusieurs ponts : la destruction du pont nord de Saumur précède celle du pont de Montsoreau et celle du viaduc. Pendant toute la nuit, l'ennemi harcèle les positions françaises.
Au lever du jour, on se bat sur tout le front. L'ennemi bombarde les Français chez qui l'absence d’artillerie se fait cruellement sentir. Ayant traversé le fleuve avec quelques hommes, le lieutenant de Buffevent trouve la mort en détruisant une batterie allemande. Partout, les escadrons se renforcent pour parer à une tentative de franchissement de la Loire, l'ennemi devenant de plus en plus pressant.
Tout au long de la journée, batteries d’artillerie et canons auto-moteurs allemands pilonnent les positions françaises, qui ne peuvent les détruire avec leurs mortiers de 81. La lutte est héroïque : malgré un armement insuffisant, les Français anéantissent tout ce qui passe à leur portée et, en fin de journée, finissent par faire sauter le pont du nord de Gennes et le pont sud de Saumur. Pourtant, pas un détachement français n'a décroché : les défenseurs de l'île de Saumur tiennent toujours leurs positions.
Le pont de Balbigny sur la Loire en train de s'écrouler en juin 1940. Domaine public
À 21 heure, l’artillerie de 77 et les engins blindés allemands bombardent l’île de Gennes et la rive Sud de la Loire pour préparer le terrain en vue d'une traversée du fleuve à l’Est et à l’Ouest de l’île. Les tirs des FM et des mitrailleuses français font avorter ce projet. L’ennemi est repoussé par la défense efficace de la brigade du Lieutenant Desplats qui tient l'île de Gennes. L’engagement, extrêmement violent, dure jusqu’à 23 h 30. La Brigade Destrelats est toutefois contrainte de faire sauter le pont sud de la ville, s'isolant de ce fait.
À la nuit, toutes les tentatives de franchissement de la Loire de la part de l'ennemi ont échoué. Les positions françaises tiennent toujours : les unités françaises ont magnifiquement pris le dessus sur un ennemi mordant et puissamment armé.
Le 20 juin en début de nuit, deux compagnies d’élèves-aspirants de réserve d’infanterie de Saint-Maixent, qui viennent d'être affectées au secteur de Saumur, renforcent les forces françaises positionnées à l'ouest de Gennes.
Durant toute la nuit du 20 juin, les Allemands pilonnent les positions françaises et notamment Saumur et Gennes afin de préparer le terrain pour passer la Loire.
Venus de l'école d'application de l'artillerie de Poitiers, un détachement arrive en renfort dans le secteur. Un groupe se positionne au pont de Port-Boulet qu'il va tenir jusqu'au soir. Mais la majeure partie des artilleurs vont être envoyés d'un point à un autre, sans vraiment de coordination avec les autres opérations.
Au petit jour, les Allemands débarquent sur l'île de Gennes qu'ils parviennent à occuper après un combat au corps à corps. Ils tentent ensuite de prendre pied sur les rives sud de la Loire mais sont arrêtés durant quelques heures par l’escadron du capitaine Foltz qui a pour mission de défendre ce secteur coûte que coûte. Attaques et contre-attaques se succèdent tout au long de la journée. Débordés, les Français sont contraints d'abandonner le secteur de Gennes vers 21 heures, le 20 juin.
Le sacrifice du Lieutenant Desplats, défendant l’île sans esprit de recul, l’initiative, la clairvoyance et le sang-froid du capitaine Foltz défendant Gennes jusqu’au bout, la belle attitude de deux de ses lieutenants, les lieutenants Roimarmier et Bonnin, tués en pleine action, le cran déployé par les élèves de l’Ecole qui se sont brillamment comportés alors qu’ils voyaient le feu pour la première fois, ont permis d’opposer une résistance acharnée, à un ennemi supérieur en nombre, muni d’artillerie, de blindés et de moyens de feu puissant.
Dans le même temps, l'ennemi prend pied sur la rive sud de la Loire au niveau de Saumur mais, malgré de très violents combats et un pilonnage incessant des positions françaises, ne parvient pas a enlever la ville. Bien que les combats sur Saumur, et notamment le pilonnage d'artillerie, soient les plus violents du secteur, les Français tiennent bon et n'évacuent qu'à la nuit.
Dans le secteur de Montsoreau, où, selon des rapports ultérieurs, un réseau d'espionnage allemand se serait implanté, l'ordre de repli est donné, vers 21 heure, ce 20 juin. La brigade qui tient le site parvient à se dégager sans trop de pertes.
Au soir du jeudi 20 juin, le secteur de Saumur est intégralement maintenu. Mais toutes les réserves sont engagées et en grande partie dépensées. Les pertes sont sévères.
Soldat allemand blessé recevant un traitement médical sur le front en juin 1940. © Archives fédérales allemandes
Faute de moyens et de munitions pour poursuivre une défense efficace, et alors que l'armistice est déjà demandé, l'évacuation du secteur de Saumur devient indispensable.
Les élèves de l’école de cavalerie avaient mission de tenir. Ils ont tenu magnifiquement, acceptant le sacrifice sur les positions même qu’ils avaient à défendre, contre-attaquant avec une farouche énergie, chaque fois que l’ennemi était parvenu à s’infiltrer dans leurs lignes.
Par leur résistance héroïque, les "cadets de Saumur" - nom qui leur a été donné en premier par le général Feldt, commandant la 1re Division de cavalerie allemande ayant mené l'attaque sur Saumur - n'ont, certes, pas pu empêcher la traversée de la Loire par l'ennemi, mais ont écrit une belle page de gloire de l'histoire militaire française.
Du côté français, les pertes se montent à 250 tués ou blessés.
218 Elèves et Officiers de l'école de cavalerie sont fait prisonnier à l'issue des combats des 19 et 20 juin 1940. Dans les semaines qui suivent, les Allemands leur permettent de gagner, libres, la zone Sud, leur rendant même les honneurs à leur passage de la Ligne de démarcation.