Les institutions de la France combattante
Le 24 septembre 1941, de Gaulle avait créé le Comité national français (CNF) qu'il présidait en tant que chef de la France Libre. Pour mettre fin à la "querelle des généraux" est signée, conjointement par Giraud et de Gaulle, à Alger, l'ordonnance donnant naissance au Comité français de la Libération nationale (CFLN). De même, le 3 novembre suivant, c'est toujours à Alger, au Palais Carnot, que se tient la séance inaugurale de l'Assemblée consultative provisoire (ACP). Comme son nom l'indique, l'ACP n'est ni législative ni souveraine, et le CFLN n'est obligé de la consulter que sur les questions financières (budget, emprunts). Parmi ses membres, près de la moitié sont des représentants de la Résistance intérieure, et la majorité penche plutôt à gauche, à l'image de son président Félix Gouin, député SFIO. Réunie à 64 reprises, elle se veut le théâtre d'un véritable débat d'idées sur les grandes réformes politiques, économiques et sociales à mettre en œuvre à la Libération, insistant sur la nécessité de bâtir une véritable démocratie sociale. C'est elle qui adopte, par exemple, en juillet 1943, le principe d'accorder aux femmes le droit de vote dès les premières élections d'après-guerre. C'est le 21 avril 1944 que le général de Gaulle signe l'ordonnance accordant aux femmes les mêmes droits politiques qu'aux hommes, lui qui déclarait dès le 24 avril 1942 dans une "déclaration aux Mouvements de Résistance" "qu'une fois l'ennemi chassé du territoire, tous les hommes et toutes le femmes de chez nous éliront l'Assemblée nationale qui décidera souverainement des destinées du pays".
Le 15 mai 1944, ressentant l'imminence du Débarquement, l'ACP se prononce à l'unanimité en faveur de la création d'un gouvernement capable de gouverner les territoires libérés. Le 3 juin 1944, le CFLN devient le Gouvernement provisoire de la République française (GPRF). Présidée par Charles de Gaulle, la nouvelle institution entend faire respecter la souveraineté nationale sur le sol métropolitain, à un moment où le président américain Roosevelt n'exclut pas de placer la France sous le contrôle d'un gouvernement allié (AMGOT) jusqu'à l'organisation d'élections représentatives.
La création du GPRF postulait la restauration de l'Etat républicain en métropole et la reconnaissance, par les Alliés, de la légitimité du gouvernement de la France Combattante. Si le projet d'AMGOT fut définitivement abandonné à la mi-juillet 1944, il fallut néanmoins attendre le 23 octobre suivant pour que les Alliés reconnaissent enfin la légitimité du GPRF. Entretemps, l'ordonnance du 9 août stipulait qu'étaient nuls les lois et règlements postérieurs au 16 juin 1940. Elle fixait aussi le cadre du rétablissement de la légalité républicaine. Son article 1er précisait : "la forme du Gouvernement de la France est et demeure la République. En droit, celle-ci n'a jamais cessé d'exister". Le 3 septembre 1944 se tenait le premier conseil des ministres à Paris. Le 9 septembre, le GPRF était remanié, le "gouvernement d'unanimité nationale" associant aux forces politiques traditionnelles les différentes composantes de la Résistance.
Le gouvernement provisoire a su rétablir la légalité républicaine sur les territoires libérés en s'appuyant sur des commissaires de la République pour relayer son action. Tout en mettant fin au risque de guerre civile, le GPRF a également assuré la présence militaire française aux côtés des Alliés durant la bataille de France, mais aussi lors de la victoire finale sur l'Allemagne nazie. Il pouvait désormais se tourner vers le rétablissement de la démocratie dans ses formes traditionnelles, et vers les défis de la reconstruction.