Philippe Leclerc
Le 22 novembre 1902 naît à Belloy (Picardie) Philippe de Hauteclocque, cinquième des six enfants du comte Adrien et de Marie-Thérèse Van der Cruisse de Waziers. Originaire d'Artois, sa famille, de noblesse attestée depuis le XIIe siècle, a participé aux croisades, servi à Fontenoy, à Wagram et rempli des charges édilitaires. A son enfance terrienne, vécue dans un milieu traditionnel, il doit une résistance exceptionnelle et la passion de la chasse, un patriotisme ardent, une foi chrétienne ancrée dans le catholicisme romain, et que conforte l'éducation des Pères jésuites de la Providence à Amiens. Il embrasse la carrière des armes. Saint-Cyrien de la promotion " Metz-Strasbourg ", il choisit, après un premier poste en Allemagne, une affectation au Maroc, d'abord comme instructeur à l'Ecole des officiers indigènes de Dar El-Beïda, puis à la tête d'un goum lors des opérations de pacification des tribus dissidentes. Il est ensuite instructeur à l'Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr puis admis en 1938 à l'Ecole de guerre, ce qui lui ouvre les perspectives d'une belle carrière. Entre temps, en 1925, il a épousé Marie-Thérèse de Gargan, apparentée aux Wendel, dont il aura six enfants. Le capitaine de Hauteclocque est nommé à l'état-major de la 4e division d'infanterie qui est encerclée, en juin 1940, dans Lille. Capturé, évadé, il rejoint le front pour être affecté au 2e groupement cuirassé.
Blessé, hospitalisé sur ordre, il s'échappe devant l'avance ennemie et gagne Paris à bicyclette. C'est alors qu'il décide de rejoindre le général de Gaulle à Londres en passant par l'Espagne, non sans avoir revu sa femme qui l'approuve et veillera sur leurs enfants. Le capitaine de Hauteclocque devient Leclerc. A Londres, il comprend le sens politique du combat du général de Gaulle : maintenir la France dans la guerre en tant que nation souveraine. Le chef de la France libre confie donc une mission politique au commandant Leclerc avec le ralliement du Cameroun le 26 août . Une nouvelle mission amène, le 12 novembre, le ralliement du Gabon dont Vichy voulait faire une base de reconquête de l'Afrique française libre. Les arrières assurés, le harcèlement des Italiens en Libye devient la priorité pour montrer que les Français continuent la guerre. Le colonel Leclerc est promu commandant militaire du Tchad, base logistique de ces opérations.
Le 1er mars 1941, après une préparation méthodique, Leclerc s'empare de Koufra, oasis italienne au sud-est de la Libye, première victoire exclusivement française. Leclerc jure alors « de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg ». L'écho de la bataille retentit jusqu'en France occupée. Un accord franco-anglais prévoit une action venant du Tchad pour faciliter l'offensive anglaise contre l'Afrika Korps sur la côte libyenne à partir de l'Egypte. Avec ses coloniaux du Tchad, Leclerc conquiert le Fezzan en 1942 et rejoint, le 26 janvier 1943, le général Montgomery, commandant la 8e armée britannique, qu'il convainc de l'engager dans la campagne de Tunisie. La « Force L », nom que portent désormais les unités de Leclerc, se distingue au combat de Ksar Rhilane le 10 mars où, avec l'aide de la Royal Air Force, elle cause de lourdes pertes à un groupement blindé allemand. Après un exil de quelques mois en Libye, le temps que le général de Gaulle s'impose au général Giraud, la 2e Division française libre (ex. « Force L ») donne naissance officiellement à la 2e Division blindée le 24 août 1943. La constitution de la 2e DB à Témara (Maroc) doit son homogénéité à son chef, alors qu'elle amalgame des hommes et des femmes d'horizons politiques et militaires multiples.
Dès la fin de 1943, de Gaulle a confié à Leclerc une autre mission politique : la libération de la capitale. La 2e DB est donc transférée en Angleterre fin avril 1944 pour parfaire son instruction. Intégrée à la IIIème Armée du général Patton, elle débarque à Utah-Beach le 1er août et reçoit le baptême du feu à Mortain. Puis elle se distingue dans les combats de la poche de Falaise. A la mi-août, le général Leclerc attend, non sans impatience, l'ordre de libérer Paris et d'y asseoir l'autorité du gouvernement provisoire. La détermination de Leclerc, les missions envoyées par le colonel Roi-Tanguy, commandant les FFI d'Ile-de-France, l'insistance du général de Gaulle ont convaincu Eisenhower de ne pas contourner la capitale. La 2e DB établit la jonction avec les FFI, force l'ennemi à la capitulation et prépare l'arrivée du général de Gaulle. Grâce à la détermination de son chef, la 2e DB a libéré Paris rapidement. Libérateur de Paris, Leclerc en est aussi le sauveur car la guerre n'est pas terminée et son unité doit livrer de durs combats au Bourget pour repousser la contre-offensive allemande. La 2e DB reprend sa progression : le 13 septembre, à Dom-paire, la coordination du feu et de la manoeuvre avec une intervention aérienne brise une attaque ennemie. Baccarat libéré le 30, Badonviller et Cirey-sur-Vezouze enlevés les 17 et 18 novembre, les Vosges sont franchies le 22. Un coup d'audace, résultat d'une préparation méthodique, permet la libération de Strasbourg. Leclerc a superbement tenu son serment de Koufra.
Rattachée à la 1re armée (de Lattre de Tassigny), le 2e DB participe à la réduction de la poche de Colmar. La campagne d'Alsace est pour elle éprouvante et coûteuse en vies humaines. Leclerc demande à être replacé dans le dispositif américain. Après une période de repos à Châteauroux, au cours de laquelle une partie de la Division, aux ordres de Langlade, participe à la réduction de la poche de Royan (15-17 avril 1945), Leclerc obtient des Alliés de participer au combat final en Allemagne avec, pour point d'orgue, la prise de Berchtesgaden et les couleurs françaises hissées sur la villa de Hitler le 5 mai.
Commandant supérieur des troupes en Extrême-Orient sous l'autorité de l'amiral Thierry d'Argenlieu, haut-commissaire et commandant en chef, Leclerc est parti pour l'Indochine avec une double mission : rétablir la souveraineté française et représenter la France à la capitulation japonaise. Son séjour à Ceylan auprès de l'amiral Mountbatten l'a convaincu que l'action diplomatique et politique devait être intégrée dans son plan de manoeuvre. Il prend la mesure, plus que beaucoup de ses contemporains, de l'importance du mouvement national au Vietnam.
Il rétablit l'ordre en Cochinchine et en Annam, fin 1945 - début 1946, et, de retour au Tonkin, prépare simultanément l'action militaire et l'action diplomatique (accords Sainteny - Hô Chi Minh du 6 mars 1946). La perception de l'homme de terrain s'oppose là aux positions de principe de ceux qui, comme de Gaulle ou d'Argenlieu, Moutet ou Bidault, craignent d'ébranler l'Union française par des mesures arrachées plus qu'accordées. Il demande alors une autre affectation. En juillet 1946, il est nommé inspecteur des Forces terrestres en Afrique du Nord, affectation interrompue par une mission en Indochine à la demande du président du Conseil Léon Blum en décembre 1946. Leclerc ne repousse pas l'hypothèse d'un accord avec les dirigeants nationalistes mais refuse tout engrenage militaire. Il décline l'offre de succéder à d'Argenlieu, craignant d'être politiquement isolé et de ne pas recevoir les moyens qu'il demande.
Il reprend ses fonctions d'Inspecteur qui ont été étendues à l'ensemble des trois armées. Face aux difficultés politiques de l'Afrique du Nord, il est favorable à une évolution plus mesurée dans le temps et moins extrême dans ses buts que pour l'Indochine. Mais, le 28 novembre 1947, son avion s'écrase dans les confins algéro-marocains près de Colomb-Béchar. Avec lui périssent sept officiers de son état-major et quatre navigants. Le 8 décembre, sont célébrées les obsèques nationales du chef dont de Gaulle écrit alors : " Jamais en lui, rien de médiocre, ni dans sa pensée ni dans ses paroles, ni dans ses actes ".
En 1952, il est promu maréchal de France à titre posthume. Son courage, sa ténacité, son ascendant sur les soldats, sa disparition soudaine, en font un personnage de légende qui entre pleinement dans l'Histoire.