La Marseillaise d’hier à aujourd’hui
Sommaire
14 juillet : prise de la Bastille.
26 août : déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen.
14 juillet : fête de la Fédération.
20 avril : déclaration de guerre de la France à l'Autriche.
25 avril : composition à Strasbourg par Rouget de Lisle du Chant de guerre pour l'armée du Rhin.
11 juillet : "La patrie en danger", les armées autrichiennes et prussiennes aux frontières de la France.
23 juillet : adoption par les volontaires marseillais se rendant aux frontières du Chant de guerre de l'armée du Rhin, baptisé à cette occasion Chant des Marseillois par les Parisiens.
10 août : prise du palais des Tuileries et chute de la monarchie au chant de La Marseillaise.
20 septembre : victoire de Valmy.
21 septembre : abolition de la royauté, proclamation de la République.
30 septembre : création à l'Opéra de Paris de L'Offrande à la liberté de François-Joseph Gossec, première harmonisation pour orchestre de La Marseillaise.
Emprisonnement de Rouget de Lisle, opposé à la destitution du roi, jusqu'en juillet 1794.
14 juillet : composition par Étienne Nicolas Méhul et Marie-Joseph Chénier du Chant du départ.
14 juillet : adoption de La Marseillaise comme "chant national" par la Convention thermidorienne.
14 juillet : La Marseillaise remplacée par le Chant du départ.
Orchestration avec ch?urs de La Marseillaise par Hector Berlioz.
Septembre-décembre : La liberté guidant le peuple, huile sur toile, Eugène Delacroix.
26 juin : décès de Rouget de Lisle à Choisy-le-Roi.
29 juillet : inauguration de l'Arc de triomphe et du haut-relief Le départ des Volontaires de 1792, dit La Marseillaise réalisé par François Rude.
15 juin : Rouget de Lisle chantant la Marseillaise pour la première fois en 1792, huile sur toile, Isidore Pils, présenté au Salon de l'Académie des Beaux-Arts.
Reprise de La Marseillaise comme hymne national.
6 juillet : la fête nationale française fixée au 14 juillet.
14 juillet : première fête nationale, avec remise des drapeaux, défilés, salves d?artillerie et bals populaires.
20 mai : adoption de la version officielle pour orchestre de La Marseillaise.
25 février : l?apprentissage de La Marseillaise dans les écoles françaises rendu obligatoire par le ministre de l?Instruction publique.
14 juillet : transfert des cendres de Rouget de Lisle sous le Dôme des Invalides à Paris.
Février-novembre : La Marseillaise adoptée comme hymne national par le gouvernement provisoire de la Russie.
9 février : sortie du film La Marseillaise de Jean Renoir.
14 juillet : officialisation de la version de La Marseillaise de Pierre Dupont.
27 octobre : La Marseillaise explicitement mentionnée comme hymne national dans l?article 2 de la Constitution.
4 octobre : confirmation de La Marseillaise comme hymne national dans l?article 2 de la nouvelle Constitution.
13 mars : La Marseillaise protégée du délit d'outrage par la loi.
23 avril : loi rendant obligatoire l'apprentissage de La Marseillaise dans les écoles.
En résumé
DATE : 25 avril 1792
LIEU : Strasbourg
ISSUE : composition de La Marseillaise
AUTEUR : Rouget de Lisle
Héritée de la Révolution française, La Marseillaise accompagne l’histoire de notre pays depuis plus de deux siècles, autant dans ses moments d’espoir et d’allégresse que dans ses bouleversements et ses épreuves les plus tragiques. Symbole d’unité, elle s’est imposée comme le point de ralliement des défenseurs de la liberté, en France et à travers le monde.
Composée dans la nuit du 25 au 26 avril 1792, sous le titre de Chant de guerre pour l’armée du Rhin, La Marseillaise est entonnée pour la première fois par son auteur, Joseph Rouget de Lisle, officier du génie apprécié pour jouer du violon et tourner les rimes. Plusieurs versions diffèrent sur les circonstances de sa création : le soir même lors d’un dîner chez Dietrich, le maire de Strasbourg, le lendemain matin après une nuit de composition, ou encore chantée lors d’un repas de corps. L’histoire a conservé le récit immortalisé par Lamartine dans son Histoire des Girondins et le tableau d’Isidore Pils, peint en 1849, dans l’euphorie de la proclamation de la IIe République. La première édition de la partition est imprimée sans nom d’auteur, à Strasbourg, par Dannbach et dédiée au maréchal Luckner, ce qui permet de la dater au plus tard de mai 1792, puisqu’il sera par la suite nommé commandant de l’armée du Nord avant de finir sur l’échafaud en janvier 1794. Dietrich connaîtra le même sort et sera guillotiné en 1793. Opposé comme les autres à la destitution du roi, Rouget échappera à la peine capitale mais sera tout de même emprisonné d’août 1793 à juillet 1794.
Auguste Pinelli (1823-1878). "Claude Joseph Rouget de Lisle rédigeant La Marseillaise", 1792. Paris, musée d'Orsay. © Roger-Viollet
L’hymne est d’abord diffusé en France par les clubs et les journaux. François Mireur, futur général, le fait connaître à Montpellier. Il est alors adopté par le bataillon des fédérés volontaires marseillais, appelé par la Convention pour participer à la journée du 10 août 1792 qui voit le renversement de la monarchie constitutionnelle et la Révolution basculer dans la Terreur. La chanson connaît alors un succès foudroyant. Les circonstances de son arrivée à Paris et son adoption par la population de la capitale lui donnent son titre de "La Marseillaise".
Gossec remédie à quelques faiblesses de la partition de Rouget et en fait la première harmonisation pour orchestre sous le titre L’Offrande à la liberté. Cette version est donnée en ouverture de tous les spectacles. Choisie par la Convention en 1793 comme hymne officiel, la Convention thermidorienne la décréta "chant national" le 14 juillet 1795 (26 messidor an III). La Marseillaise se diffuse rapidement à travers l’Europe. Elle est traduite en anglais et en allemand dès 1792, connue en Suède en 1793, introduite aux États-Unis en 1795.
Associée aux excès révolutionnaires, La Marseillaise est proscrite sous l’Empire au profit du Chant du départ et de Veillons au salut de l’Empire. Elle réapparaît pendant les Cent-Jours, mais est de nouveau interdite sous la Restauration. Puis elle est chantée pendant les Trois Glorieuses, en juillet 1830, et Berlioz en fait une magistrale orchestration avec chœurs, qu’il dédie d’ailleurs à Rouget de Lisle. Toutefois, La Marseillaise ne retrouve pas son statut d’hymne, pas plus sous la IIe République que sous le Second Empire. Sa résurgence dans les soubresauts populaires qui emportent les régimes au XIXe siècle confirme qu’elle est profondément ancrée dans les mémoires par des années d’interprétation et par le souvenir exaltant de la Révolution. La Marseillaise demeure un chant subversif qui est réservé aux quartiers populaires des grandes villes.
Première partition de "La Marseillaise" de Claude Joseph Rouget de Lisle, 1792. BnF. © Roger-Viollet
UNE PATERNITÉ CONTESTÉE
Bonaparte avait fait appel à Rouget pour créer un nouvel hymne, mais son Chant des combats donné le 3 janvier 1800 à l’Opéra-Comique fut un échec, comme Vive le roi composé pour le retour des Bourbons en 1815. Compositeur d’un seul air de génie, Rouget s’est vu contester la paternité de la mélodie de La Marseillaise, d’autant plus que les premières éditions ne comportent pas son nom. Certains y voient la signature de Pleyel, Holtzmann ou même Mozart... En 1863, le musicologue Fétis est assigné en justice pour en avoir attribué la composition à Navoigille, mais il se rétracte. En 1886, le chartiste Arthur Loth en retrouve le thème dans les Stances de la calomnie tirées de l’oratorio Esther, une partition antérieure à la Révolution, signée de Jean-Baptiste-Lucien Grisons, maître de chapelle de Saint-Omer de 1775 à 1787. L’affaire fait grand bruit, elle amène Constant Pierre à publier ses travaux sur les répertoires musicaux de la Révolution et Julien Tiersot son historique de l’hymne, tous deux défendant ainsi Rouget. Découverte plus récemment, une partition du violoniste virtuose
Giovanni Baptista Viotti, Thème et variations en do majeur, qui serait datée de 1781, donne aussi le thème de La Marseillaise. En fait, il n’existe pas de droit d’auteur à l’époque et les emprunts étaient fréquents : le débat est donc loin d’être clos.
UN HYMNE PERÇU COMME SUBVERSIF
Le Second Empire a voulu oublier La Marseillaise, l’autorisation de l’interpréter sur scène était systématiquement refusée, sauf à la déclaration de guerre en juillet 1870. Chant insurrectionnel, elle est reprise sous la Commune. Elle est chantée le 8 septembre 1877, lors des obsèques de Thiers. La même année, à la suite de son interprétation dans un théâtre nantais, des députés républicains tentent de rétablir son statut d’hymne. Le 30 juin 1878, M. Sellenick, le chef de la musique de la Garde républicaine, se voit infliger un blâme par le colonel commandant la Garde. Cette sanction exceptionnelle du chef de musique de l’orchestre de prestige de l’armée, et a fortiori du régime, se veut exemplaire pour le ministre de la Guerre, le général Borel. Il motive l’interdiction du chant en rappelant l’argument invoqué depuis la Restauration : "Sans parler de la signification politique qu’on pourrait lui prêter, ce qu’il importe d’éviter pour tout ce qui touche à l’armée, le chant de La Marseillaise, fait pour le temps de guerre, ne convient pas actuellement à l’armée, puisque nous sommes et que nous voulons rester en paix avec le monde entier". Cette affaire s’inscrit dans l’ultime période de la crise du 16 mai 1877 qui voit basculer le régime, d’institutions attendant la restauration de la monarchie à une république radicale qui va multiplier les gestes symboliques revendiquant son passé révolutionnaire. Certainement concertée avec l’autorité parisienne inaugurant un monument à la République, l’interprétation de Sellenick préfigure le retour en grâce du chant révolutionnaire. Cette affaire n’aura pas d’incidence sur sa carrière, puisqu’il sera élevé au grade de chevalier de la Légion d’honneur et que le ministre de la Guerre lui commandera un pas redoublé pour la fête du 14 juillet 1880. Il restera d’ailleurs en fonction jusqu’à la limite d’âge en 1884.
L’HYMNE NATIONAL DÉFINITIVEMENT ADOPTÉ
Le 14 février 1879, une proposition de loi est présentée par Gambetta, puis retirée. Six jours plus tard, sur proposition du général Gresley, ministre de la Guerre, le Parlement décrète La Marseillaise chant national officiel par confirmation du décret du 14 juillet 1795 (26 messidor an III). Une lettre du ministre de la Guerre du 24 février 1879 fait donc savoir que "l’hymne intitulé : Hymne des Marseillais sera exécuté dans toutes les circonstances où les musiques militaires sont appelées à jouer un air officiel". La lettre voudrait faire croire que ce chant n’a jamais cessé d’être l’hymne officiel, comme si les autres régimes n’avaient été que des parenthèses historiques : "Un décret-loi, en date du 26 messidor an III (14 juillet 1795), inséré au Bulletin des lois et qui n’a jamais été rapporté, porte que le morceau de musique intitulé : Hymne des Marseillais sera exécuté par les musiques militaires." En 1879, il est trop tôt pour une fête nationale, les républicains n’ayant pas encore arrêté de date définitive. La première fête nationale est donc celle du 14 juillet 1880, avec la remise des drapeaux à l’hippodrome de Longchamp, les défilés, les salves d’artillerie et les bals populaires. Depuis cette date, La Marseillaise est interprétée lors de toutes les cérémonies officielles.
"La Marseillaise", partition éditée en 1881, dessin de Falguière. BnF. © Roger-Viollet
UNE PARTITION OFFICIELLE
L’adoption d’un hymne officiel nécessite celle d’une partition de référence pour éviter les divergences d’exécution quand plusieurs musiques sont réunies. En 1845, l’adoption des instruments d’Adolphe Sax avait réglé les problèmes d’instrumentation et d’organisation. Il restait à se mettre d’accord sur la partition. L’harmonisation de Gossec ne convenait pas et celle de Berlioz était destinée avant tout à l’accompagnement d’un chœur et non pour être jouée seule. En 1886, le général Boulanger, alors ministre de la Guerre, lance un concours auprès des chefs de musique et constitue un jury des plus grands musiciens de l’époque. La version officielle pour orchestre est adoptée le 20 mai 1887. Une nouvelle partition est adoptée en 1912 pour pouvoir être exécutée avec des chœurs. Elle est modifiée dans la version de Pierre Dupont, officialisée en 1938 et toujours d’usage, sauf sous la présidence de Giscard d’Estaing qui avait demandé d’en ralentir le tempo.
DES HYMNES DANS TOUTE L’EUROPE
À partir de 1792, les idées révolutionnaires apportées par les armées françaises embrasent les peuples européens. Entre 1809 et 1813, les étudiants et les soldats des corps francs germaniques reprennent les compositions de leurs poètes (Arndt, Weber, Uhland...). L’Ode à la joie (Ode an die Freude) de Schiller est mis en musique par Beethoven. Ce thème musical, dernier mouvement de la 9e Symphonie, deviendra l’hymne européen en 1986. En Pologne, La Varsovienne de Sienkiewski et Kurpinsky est créée en 1831. En Belgique, l’insurrection de 1830 qui mène à son indépendance est déclenchée à l’opéra par les paroles de La Muette de Portici d’Auber. En Italie, c’est Verdi dont le nom même symbolise l’unité, Viva VERDI utilisé par les partisans de l’unité signifiant Viva Vittorio Emanuele Re d’Italia (Victor-Emmanuel étant le prétendant au trône italien). Die Wacht am Rhein (La Garde au Rhin), écrit en 1840 et mis en musique en 1854, fait office d’hymne national officieux des peuples germaniques pendant la guerre de 1870. La question nationale a aussi inspiré le poète August Heinrich Hoffmann von Fallersleben qui écrit en 1841, sur une partition de Haydn, Das Lied der Deutschen ou le Deutschlandlied, dont le 3e couplet est l’actuel hymne allemand. Le modèle est venu des Britanniques qui sont les premiers à créer des hymnes patriotiques. Dès le milieu du XVIIIe siècle, ils adoptent Rule Britannia (1740), God Save The King (1745, la mélodie est empruntée à une composition de Lully, ce qui est toujours contesté par les Britanniques) et Heart Of Oak (1759), l’hymne des marins de la Navy.
UN DIALOGUE ENTRE LES PEUPLES
Outre l’expression d’une identité collective par le chant, les hymnes nationaux sont aussi un moyen de s’adresser aux autres nations. En ce sens, ils établissent une sorte de dialogue entre les peuples, un concert des nations. La musique et donc la chanson agissent dans le temps long de la mémoire des peuples. On se souvient toute sa vie des chansons apprises dans l’enfance, comme de celles entendues pendant l’adolescence. Ainsi, marquent-elles d’empreintes indélébiles les générations successives. Ces musiques imprègnent la mémoire collective, l’influencent dans son évolution, forcément lente dans ce contexte. L’Europe a chanté d’une seule voix jusqu’à Luther. Non pas les chansons populaires mais le répertoire sacré. Sans forcément parler le latin, les populations le chantaient et en comprenaient le sens. En faisant de l’allemand une langue liturgique, Luther brisait l’unité du latin. Les hymnes nationaux peuvent alors s’interpréter comme une tentative d’instaurer un dialogue entre les peuples, entre les nations, à défaut de pouvoir retrouver l’unité perdue. Dans ces temps qui ne connaissent pas encore l’enregistrement ni les techniques de communication modernes que sont la radio, le cinéma ou la télévision, la chanson est un média essentiel.
François Rude (1784-1855). "Départ des volontaires de 1792" ou "La Marseillaise". Haut-relief sur pierre, 1833-1836, Arc de Triomphe, Paris. © Iberfoto/Photoaisa/Roger-Viollet
UN LIEN COLLECTIF EN PERPÉTUEL DÉBAT
Un hymne national est perçu dans le pays qui l’a adopté comme un outil de cohésion, d’identification collective. Au-delà des paroles, de la mélodie et de son histoire, cette composition acquiert une signification propre permettant à tous de s’y reconnaître. Le changement de statut du chant devenu hymne national atténue sa signification subversive. Alors que La Marseillaise est utilisée depuis la Révolution comme un chant politique, les ouvriers vont lui préférer L’Internationale dont la musique est composée en 1888. Ce changement est aussi perçu à l’étranger. De février à novembre 1917, La Marseillaise fait office d’hymne national pour le gouvernement provisoire de la Russie avant que les bolcheviques ne la remplacent par L’Internationale. En France, le film que Renoir consacre à La Marseillaise, en 1938, contribue à réconcilier le chant avec les masses populaires, même si cette institutionnalisation continue de susciter des questions. De nos jours, on ne chante que le 1er couplet, le refrain et le 6e couplet, qui sont de Rouget, ainsi que le 7e dit "couplet des enfants" attribué à l’abbé Pessonneaux. Les autres ne sont quasiment jamais interprétés.
Les interrogations, critiques et contestations, pour légitimes qu’elles puissent l’être parfois, sont aussi des remises en cause du bien-fondé de son rôle et donc des liens collectifs qui unissent les individus d’une même nation. Malgré une histoire complexe, voilà donc plus de deux siècles que La Marseillaise vibre au rythme de l’histoire de France. S’il n’est pas à l’abri des polémiques et même parfois boudé, l’hymne continue d’être perçu comme un symbole d’union et demeure irrémédiablement associé à la République. Il retentit à chacune de ses célébrations : commémorations, cérémonies officielles, célébrations mémorielles, rencontres sportives internationales. La Marseillaise est protégée par le délit d’outrage depuis 2003 et doit être enseignée aux enfants des écoles depuis 2005.
AVEC LES FRANÇAIS DANS LEURS ÉPREUVES
L’institutionnalisation de l’hymne passe par son enseignement aux jeunes générations. En 1911, face aux tensions de plus en plus vives qui traversent l’Europe, le ministre français de l’instruction publique, Maurice-Louis Faure, rend obligatoire l’apprentissage de La Marseillaise à l’école.
Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, elle s’impose comme le chant de "l’union sacrée", ultime rempart contre l’agression germanique. L’hymne est alors joué et chanté tant sur le front qu’à l’arrière, aux terrasses des cafés, aussi bien lors des cérémonies officielles que dans les spectacles. Symbole de cette ferveur, le 14 juillet 1915, les cendres de Rouget deLisle sont exhumées du cimetière de Choisy-le-Roi et déposées sous le Dôme des Invalides à Paris, à l’issue d’une cérémonie solennelle.
Translation des cendres de Rouget de Lisle aux Invalides : le cortège, avenue des Champs-Élysées, Paris, 14 juillet 1915. © Wackernie/Excelsior - L'Équipe/Roger-Viollet
Elle reste l’hymne national sous le régime de Vichy et n’est pas vraiment concurrencée par Maréchal nous voilà qui n’a jamais été officialisé. Elle est aussi chantée par les soldats français en Angleterre, par les prisonniers des stalags comme par les résistants à l’occupant. La constitution de 1946, puis celle de 1958, mentionnent expressément que l’hymne national est La Marseillaise. En 1962, elle est chantée aussi bien par les partisans de l’Algérie française que par ceux du général de Gaulle, qui pouvait l’entonner dans ses discours avant qu’elle ne soit reprise par l’assistance. Le 30 mai 1968, les manifestants venus soutenir le Général sur les Champs-Élysées la reprennent en chœur.
Quant à ses interprétations, elles peuvent être appréciées comme celles de Jessye Norman lors du bicentenaire de la Révolution, le 14 juillet 1989 sur la place de la Concorde, ou de Mireille Mathieu, d’autres peuvent être mal comprises, comme la version reggae de Serge Gainsbourg en 1979, et son emploi lors de l’ouverture des matchs de football est souvent sujet à polémiques. Plus récemment, lors de l’hommage rendu par l’Assemblée nationale aux victimes des attentats du 7 janvier 2015, les députés l’ont reprise à l’unisson, symbolisant ainsi l’unité nationale face à la menace terroriste. Ce fut encore le cas lorsque le Parlement s’est réuni en Congrès à Versailles après l’attentat du 13 novembre 2015.
Gustave Doré (1832-1883). "La Marseillaise", gravure allégorique, 1870. BnF. © Albert Harlingue/Roger-Viollet
UNE SACRALISATION DU LIEN COLLECTIF
Expression des liens qui unissent un peuple, l’hymne national revêt une dimension sacrée. Son exécution impose de lui manifester le respect par la posture de ceux qui l’interprètent ou qui l’écoutent. On est censé se mettre debout et se découvrir. Ce n’est pas le chant en lui-même qui est sacré, mais ce qu’il représente pour la collectivité. Il est légalement acté dès les débuts de la Révolution quand La Marseillaise remplace le Te Deum traditionnel : "La Convention, au reçu de la nouvelle, avait décrété la célébration d’une fête civique : sur la proposition du ministre de la guerre Servan, il fut décidé qu’au lieu du Te Deum on y chanterait l’Hymne des Marseillais. La séance où cette consécration fut donnée au chant de Rouget de Lisle (28 septembre 1792) est la première où il fut fait mention dans l’Assemblée du futur chant national, et l’exécution qui suivit en fut la première audition officielle."
Dans la liturgie romaine, le Te Deum est chanté à l’occasion de services solennels d’action de grâce (victoires, fêtes nationales, naissances princières, rémission d’une maladie, saluts, processions, etc.) et dans toutes les circonstances où l’on veut remercier Dieu. Le remplacement de cette hymne par La Marseillaise pour fêter une victoire indique le transfert de sa fonction sacrée. Désormais, ce n’est plus Dieu qui est célébré par le peuple, c’est le peuple qui se célèbre lui-même comme maître de son propre destin.
Auteur
Thierry Bouzard - Historien de la musique
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