L’Algérie dans les fonds de l’ECPAD
L’établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD) conserve une mémoire visuelle de l’engagement français dans la guerre d’Algérie. Films et photographies rendent compte des événements de l’année 1962 et de la progressive sortie du conflit.
195 000 photographies et 1 220 titres de films ! Le fonds "Algérie" du Service cinématographique des armées (SCA), héritier de la Section cinématographique de l’armée et de la Section photographique de l’armée, est d’une richesse considérable.
Le rôle du SCA en Algérie
L’importance de ce fonds tient à la fonction même du SCA, l’une de ses principales missions étant de participer, par le film et la photographie, à l’information et à l'instruction du personnel militaire relevant du ministère des Armées. La production réalisée pour le journal BLED, périodique à destination des appelés du contingent servant en Algérie jusqu’en mai 1962, représente ainsi environ 58 000 photographies.
Elle tient aussi à l’importance des fonds privés dont dispose l’ECPAD : plus de 50 000 photographies et une vingtaine de films relèvent de cette catégorie.
Elle tient enfin à son histoire : installé en Algérie depuis 1942, seul organe institutionnel autorisé à produire des documents relatifs à ce territoire, le SCA se développe progressivement pour devenir un véritable centre de production et augmente considérablement ses effectifs à l’occasion du conflit qui débute en 1954. Son antenne principale, établie à Alger, est dotée de deux dépôts secondaires, situés à Oran et Constantine et, en 1956, le personnel et le matériel de la section d’Allemagne du SCA s’installe à son tour en Algérie.
Entre 1954 et 1964, plusieurs dizaines d’opérateurs de prise de vue se succèdent ainsi pour couvrir en images des opérations militaires, ou dites de "pacification", mais aussi relatives à la vie quotidienne des populations civiles, autochtones ou d’origine européenne, rapportant des dizaines de milliers de clichés et quelque 1 200 films.
L’année 1962 en images
Durant la seule année 1962, l’antenne algérienne de l’Établissement cinématographique des armées (ECA), nouvelle dénomination administrative de l’institution depuis 1961 mais dont l’appellation d’usage demeure SCA, réalise 339 reportages photographiques – ce qui représente un ensemble de 9 211 photographies – et 53 films, à travers l’objectif de 12 photographes et de 7 caméramans. Ce volume est moitié moindre que celui des années précédentes, l’indépendance du pays marquant le départ progressif des troupes françaises et, par conséquent, la fin des missions photographiques et filmiques.
En 1962, ces images témoignent toujours du quotidien des armées en garnison et de la vie des appelés. Elles couvrent également les événements marquant l’accès à l’indépendance, souvent violents, qui ont lieu avant et après la signature des accords d’Évian. Ainsi, les exactions commises par l’Organisation armée secrète (OAS) constituent un sujet qui se démarque de ceux habituellement traités par les opérateurs de prise de vue : illustrant des perquisitions, fouilles d’habitations, quadrillages ou barrages de quartiers visant à empêcher les membres de l’OAS de nuire, les reportages font le constat des dégâts causés par les attentats commis dans les métropoles algériennes (Alger, réf. ALG 62-55, ALG 62-78 ; Oran, ALG 62-77, ALG 62-82) et montrent l’armée assurer le respect du cessez-le-feu du 19 mars. Il existe également des archives filmiques donnant à voir des confrontations armées directes entre l’armée française et l’OAS dans le quartier de Bab-el-Oued à Alger le 23 mars (réf. ACT 6242, ACT 6246). Les reportages témoignent de la violence des affrontements, des dégâts physiques et matériels – comme ces images des corps des victimes de la fusillade de la rue d’Isly à Alger le 26 mars 1962 (réf. ALG 62-60 R4) – et cherchent à acter, image à l’appui, la nécessité pour l’armée de rétablir l’ordre et de faire respecter les accords d’Évian afin de sortir du conflit.
Autre thématique marquante de l’année 1962 et présente à travers plusieurs reportages du service : l’indépendance de l’Algérie et les manifestations de joie de la population musulmane acquise aux idées nationalistes, au début du mois de juillet 1962 dans plusieurs villes du pays.
Un service institutionnel
A contrario, certains sujets sensibles comme le rapatriement massif des Européens d’Algérie et d’une faible partie des harkis, contraints de fuir le pays, sont quasiment absents de la production photographique et audiovisuelle militaire. Un seul reportage suit le départ de familles de harkis depuis un camp provisoire à Bône en novembre 1962 (réf. ALG 62-162). La faible quantité d’images témoignant de la détresse de ces populations tend à montrer que l’inaction de l’État et son incapacité à les protéger ne peuvent constituer alors des sujets accrédités par le pouvoir en place. L’absence et, à l’inverse, l’existence de certains sujets relatifs à l’indépendance de l’Algérie et à l’année 1962 nous rappellent en effet que le SCA est un organe de production audiovisuelle de commandes qui, notamment avec le retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958, perd de son autonomie et répond aux consignes de communication et de propagande de l’État. Seul le point de vue du gouvernement est représenté, glissant ainsi, tout au long du conflit et jusqu’en 1962, de la promotion de l’Algérie française à la reconnaissance du droit à l’auto-détermination puis de l’indépendance du pays.
Illustrer la présence française après-guerre
Signés en mars 1962, les accords d’Évian prévoient un retrait de la quasi-totalité des forces militaires françaises dans un délai de deux ans après l’indépendance. Si le dernier reportage de la collection "Algérie" (ref. ALG) est ainsi logiquement réalisé en juin 1964, la production audiovisuelle de la section Algérie du SCA ne s’arrête toutefois pas complètement, la France ayant négocié, lors des accords d’Évian, le maintien d’une base militaire à Mers-el-Kebir et l’utilisation de centres d’expérimentations nucléaires dans le Sahara pour une durée de cinq ans. Quelques prises de vues rendent également compte de la présence d’un détachement de l’armée française sur la base de Bou Sfer, entre 1964 à 1971, afin d’assurer la sécurité des communications françaises en Méditerranée.
En savoir plus
À l’occasion du 60e anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie, l’ECPAD et Siècle productions ont coproduit la série documentaire C’était la guerre d’Algérie, co-écrite par Georges-Marc Benamou et Benjamin Stora, avec le soutien du ministère des Armées. De la colonisation de l'Algérie en 1830 aux accords d'Évian, ce documentaire retrace en cinq épisodes le déroulé du conflit et met en lumière ses enjeux nationaux et internationaux. Diffusés les 14 et 15 mars 2022 sur France 2, les épisodes sont désormais disponibles en replay sur france.tv jusqu’au 12 juillet.
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