Le regard de la Ministre

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Chapeau

À l’occasion du 70e anniversaire de la fin des combats en Corée, la secrétaire d’État chargée des anciens combattants et de la mémoire rend hommage à l’engagement et au sacrifice des soldats français ayant servi sous la bannière de l’ONU. Elle rappelle également combien il reste important de faire vivre, encore aujourd’hui, la mémoire partagée franco-sud-coréenne.

Patricia Miralles, secrétaire d’État chargée des anciens combattants et de la mémoire. © SCH Christian Hamilcaro/Ministère des Armées
Texte

De tous les conflits auxquels des soldats français ont pris part depuis la Seconde Guerre mondiale, la guerre de Corée est assurément l’un de ceux dont notre pays a le moins parlé et que notre mémoire nationale a le moins commémoré. Dans une tribune telle que celle-ci, destinée à introduire ce numéro de la revue Les Chemins de la mémoire consacré à la guerre en Corée, il est juste de commencer par rendre hommage à nos militaires tombés et blessés dans ce conflit et aux associations qui, longtemps, ont porté seules la mémoire de l’engagement du bataillon français de l’ONU durant ces trois années de conflit, entre juin 1950 et juillet 1953.

La façon dont la France a participé à la guerre de Corée était toute nouvelle. Pour la première fois, notre pays devenait le protagoniste d’un conflit armé après une décision de la toute jeune Organisation des Nations unies et de son conseil de sécurité, où Paris disposait d’un siège. En réponse à l’attaque de la République de Corée par la République populaire démocratique de Corée, soutenue par la Chine, la résolution 83 avait appelé ses membres à fournir "toute l’assistance nécessaire" pour faire cesser l’agression.

La France a mis à disposition de la coalition internationale des forces maritimes, avec l’aviso escorteur La Grandière qui fut intégré aux forces navales de l’ONU, principalement américaines et britanniques, et a créé, le 25 août 1950, le bataillon français de l’ONU. Composé au départ de plus de mille hommes, ce bataillon s’est battu dans les effectifs du 23e régiment de la deuxième division d’infanterie de l’armée américaine, dont la particularité était d’avoir été formée en France en 1917 pour participer aux combats de la fin de la Grande Guerre. Avec les relèves et les pertes, ce sont presque 3 500 soldats français qui prirent part à la guerre de Corée entre janvier 1951 et la fin des hostilités, deux ans et demi plus tard.

Cette configuration, originale à l’époque, est probablement l’une des explications de la relative méconnaissance par la société française de cet épisode de l’Histoire et des actions des troupes françaises sur le territoire coréen.

Il s’agit là d’une singularité, car les actes de bravoure des soldats français sur le champ de bataille furent immenses. Leur sacrifice constitua l’un des plus importants de cette guerre, au prorata de leur nombre, puisque le bataillon français de l’ONU en Corée a compté presque trois cents morts ou disparus et mille trois cent cinquante blessés.

L’esprit d’engagement et la haute intensité

L’intervention du bataillon français de l’ONU illustre en effet pleinement l’esprit d’engagement de nos armées. Au service du droit international, pour venir en aide à une nation amie agressée, les soldats du bataillon français, venus de l’active ou réservistes, étaient tous des volontaires.

Leur chef, le général Monclar, était une illustration exemplaire du respect de son serment de défendre les valeurs et la sécurité de la nation. Ce soldat, parmi les plus décorés de l’histoire de nos armées, croix de guerre des deux conflits mondiaux, Grand-Croix de la Légion d’honneur, Compagnon de la Libération, médaillé de la Résistance, a choisi à l’âge de 59 ans de se réengager pour aller combattre en Corée. À la veille de la retraite, Ralph Monclar a ainsi renoncé à ses étoiles de général de corps d’armée pour des galons de lieutenant-colonel, afin de pouvoir prendre le commandement du bataillon français de l’ONU.

La guerre de Corée fut aussi un conflit de très haute intensité, avec deux à trois millions de victimes et la menace d’un bombardement nucléaire.

Les batailles durant lesquelles les soldats français se sont distingués ont été d’une rare violence. À Twin Tunnels en janvier 1951, il faut aux hommes du bataillon français reprendre aux Chinois le terrain mètre par mètre, sous les bombardements au napalm de l’aviation américaine qui intervient en soutien. Au mois de février, à Chipyong-Ni, les Français sont encerclés et résistent pendant trois jours aux assauts chinois, qui finalement se retirent, laissant derrière eux "des monticules de cadavres". Le déchaînement des combats, tels ceux de la bataille de la cote du Crèvecoeur en8 septembre 1951, a été largement raconté par le cinéma d’Hollywood. Le conflit en Corée fut pour les hommes du bataillon français de l’ONU la fusion de la violence des affrontements de 14-18 avec la puissance de feu de 39-45.

Une mémoire entretenue, enrichie et partagée

Au moment où, pour la première fois depuis près de 80 ans, un conflit de haute intensité se déroule à nouveau sur le sol du continent européen, il est indispensable de renforcer les forces morales de notre pays qui sont un élément essentiel de la cohésion de notre Nation. Pour cela, l’entretien et l’enrichissement de la mémoire de la mission des forces françaises durant la guerre de Corée sont des outils précieux.

Plusieurs monuments honorent déjà les soldats du bataillon français de l’ONU. À Paris, une plaque est apposée sous l’Arc de Triomphe. Elle est la seule à cet endroit, ô combien symbolique, à être dédiée à une unité spécifique. Dans le quatrième arrondissement de la capitale, un monument en souvenir de ce bataillon jouxte la place qui porte également son nom. Dans la Sarthe, le Morbihan ou la Loire-Atlantique, des monuments ou des espaces publics rendent également hommage aux soldats français qui ont combattu en Corée.

En lien avec la mission de Défense de notre ambassade à Séoul et les associations d’anciens combattants, le ministère des Armées poursuit son effort pour l’identification des derniers corps des derniers soldats français disparus.

Le 27 juillet prochain, 70 ans jour pour jour après la signature de l’armistice de Panmunjom, la Corée du Sud célébrera la fin des hostilités. Je serai alors aux côtés de nos alliés coréens pour témoigner de l’amitié de la France, rendre hommage aux anciens combattants français de la guerre de Corée et à nos soldats tombés au champ d’honneur durant ce conflit, et réaffirmer la volonté de Paris d’entretenir et d’enrichir cette mémoire partagée avec Séoul.

 

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