Un vaste cratère sur le front de la Somme
Vestige et témoin de l’une des plus violentes batailles de la Première Guerre mondiale, le cratère du Lochnagar est l’un des mieux conservés du front de l’Ouest. Impressionnant par ses dimensions, il constitue un lieu de mémoire incontournable des champs de bataille de la Somme.
Décembre 1915, les commandements Alliés se réunissent afin d’établir les stratégies militaires de l’année 1916. Décision est prise d’attaquer les Empires centraux sur tous les fronts en 1916. Pour l’Ouest, un objectif est clairement défini : il faut rompre le front allemand en Picardie par une offensive qui se veut conjointe entre les armées françaises et britanniques. C’est dans la Somme, secteur sur lequel les forces allemandes sont présentes depuis près de deux ans, que l’assaut sera donné.
Du 24 au 30 juin 1916, une lourde préparation d’artillerie engage plus de 1 500 000 obus sur les lignes ennemies.
Le 1er juillet, au petit matin, une série d’explosions retentit sur l’ensemble de la ligne de front, c’est l’heure H. L’une d’entre-elles, marque à tout jamais le paysage aux abords du village de La Boisselle. Il est 7h28 et de nombreux aviateurs observent avec stupeur l’une des plus impressionnantes déflagrations de l’offensive : 27 tonnes de poudre explosive font trembler la terre à plus d’un kilomètre dans le ciel. C’est le cas de Cecil Lewis, alors officier dans le Royal Flying Corps, qui survole les lignes et aperçoit ce magma de terre, de craie et de débris depuis son avion. Ces explosions sont le témoin d’une guerre souterraine, la guerre des mines.
© Valentin Pesant
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La guerre sous terre
Découvrir le cratère du Lochnagar, c’est appréhender les conditions dans lesquelles les tunneliers britanniques furent chargés d’aménager plusieurs dizaines de galeries souterraines sur le front de l’Ouest. Ces sapes visaient à détruire le système défensif ennemi (abris souterrains, barbelés…), à affaiblir les troupes et semer la confusion avant l’engagement de l’infanterie sur le no man’s land, en installant des fourneaux bourrés d'explosifs pour pulvériser les tranchées adverses.
Synonyme d’un travail dangereux et harassant, la guerre des mines fait l’objet d’une histoire singulière. Dès 1915, tous les belligérants de ce conflit s’attellent au creusement de cavités que l’on remplit d’explosifs de forte puissance. Un savoir-faire qui nécessite une excellente connaissance des sols pour travailler les terres du front de l’Ouest. Chez les Britanniques, l’armée comprend très vite qu’elle doit faire appel à des professionnels. Elle se tourne alors vers des géologues, des mineurs, des égoutiers qui pour certains, ne bénéficient d’aucune formation militaire. Aux profils variés, ces hommes, habitués à travailler les mines de charbon ou les réseaux d’assainissement des villes, parfois âgés de plus de soixante ans, sont les seuls en mesure de mener à bien ces opérations. Ils se retrouvent ainsi enrôlés au sein d’unités spécialisées, les Tunnelling companies.
À la Boisselle, le "Lochnagar Crater" est le résultat d’une galerie creusée dès novembre 1915, sur plus de 300 mètres de long et 30 mètres de profondeur vers les lignes adverses. Lochnagar rappelle le nom de la tranchée depuis laquelle les tunneliers aménagèrent cette longue sape. Il peut aussi rappeler les montagnes écossaises, qu’avaient laissé derrière eux tant de jeunes soldats dont la jeunesse fut décimée sur les terres de Picardie.
Ce trou de mine, aux mesures impressionnantes : 90 mètres de circonférence pour une vingtaine de mètres de profondeur, ne peut laisser indifférents les visiteurs qui le découvrent pour la première fois.
© Perrine Chovaux
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Un lieu de mémoire préservé
Et si plus de 200 000 touristes du monde entier viennent aujourd’hui découvrir l’histoire du Lochnagar, c’est grâce à l’ambition d’un homme, Richard Dunning. Cet Anglais passionné par la Première Guerre mondiale, achète ce terrain agricole en 1978 dans l’espoir de le faire vivre mais surtout de le préserver. En effet, bon nombre de cratères de la Grande Guerre ont été rebouchés à des fins agricoles après le conflit.
En 1989, Sir Dunning fonde l’association The Friends of Lochnagar, composée de bénévoles, tous passionnés par l’histoire de ce site et soucieux de mener un travail de mémoire collectif.
Grâce à leur implication, le cratère de La Boisselle est l’un des seuls à être accessible au public en France et à bénéficier d’une telle conservation.
Chaque 1er juillet à 7h28, une cérémonie, ouverte à tous, a lieu sur le site en l’hommage des milliers de Britanniques qui partirent à l’assaut depuis cette position et qui prirent part à la bataille de la Somme.
Pour en savoir plus :
Le site de l’association Friends of Lochnagar : https://www.lochnagarcrater.org/