La campagne d'Italie (3 septembre 1943-2 mai 1945)
Après le débarquement allié en Algérie et au Maroc, territoires sous contrôle du gouvernement de Vichy, la campagne de Tunisie permet de repousser définitivement les troupes germano-italiennes hors d'Afrique en mai 1943.
Les Britanniques retrouvent la maîtrise de la Méditerranée.
Dans le même temps, si la situation des Alliés s'améliore dans l'Atlantique, sur le front Est, les Soviétiques sont encore loin de la frontière allemande et attendent avec impatience l'ouverture d'un second front qui les soulagerait.
Débarquements et progression des Alliés en Italie de septembre à décembre 1943. © MINDEF/SGA/DMPA/Joëlle Rosello
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Des diverses hypothèses stratégiques à l'étude, celle qui est finalement retenue est la poursuite des opérations en Méditerranée, comme moyen de diversion destiné à assurer le succès du débarquement sur les côtes normandes au printemps suivant. Ses principaux objectifs sont donc d'éliminer l'adversaire italien et de fixer le plus possible de troupes allemandes en Italie. En juillet, les Alliés se lancent à l'assaut de l'Europe.
La ligne Gustav : imprenable ?
La conquête de la Sicile entraîne la signature en septembre d'un armistice avec l'Italie qui se range aux côtés des Alliés. Alors que les Allemands renforcent leur dispositif en occupant le nord et le centre de l'Italie, les Anglo-Américains, sous le commandement du général Alexander, débarquent en Calabre et à Salerne où ils se heurtent aux hommes du maréchal Kesselring.
Embarquement des troupes françaises pour l'Italie, Oran, novembre 1943. Source : ECPAD
Contraints d'évacuer Naples et les terrains d'aviation de la région de Foggia, les Allemands se rétablissent rapidement sur la ligne Gustav qui, traversant la péninsule italienne du Garigliano au Sangro, de part et d'autre du défilé de Cassino, défend l'accès de Rome. Les troupes allemandes, solidement appuyées sur les défenses naturelles des Apennins, opposent une âpre résistance aux Alliés dont le plan prévoit de prendre Rome et les terrains d'aviation de la région avant la fin de l'année 1943, en empruntant la seule route passant par Cassino et la vallée du Liri.
Bataille du Belvédère, combat d'artillerie devant Acquafondata, janvier 1944. Source : Service historique de la défense
Durant tout l'hiver 1943-1944, ceux-ci ne parviennent pas à passer les défenses ennemies, même si, dès décembre, les troupes du général Juin mènent avec succès plusieurs combats, s'emparant des massifs du Pantano et de la Mainarde puis, franchissant en janvier le Rapido, de celui du Belvédère.
Les conditions météorologiques sont particulièrement mauvaises . des pluies torrentielles détrempent le terrain. Les Alliés progressent difficilement et ne parviennent pas à obtenir la rupture du front. Un débarquement à Anzio, derrière la ligne Gustav, doit permettre de contourner les Allemands. Tenus en échec à Cassino, les Alliés ne parviennent pas non plus à déboucher d'Anzio où ils sont aux prises avec de vigoureuses contre-attaques. Les violents assauts n'arrivent pas à percer les lignes allemandes et les succès locaux obtenus ne peuvent être exploités. La situation piétine.
Débarquement allié à Anzio, janvier 1944. Source : Service historique de la défense
La route de Rome
À la mi-mai, les Alliés reprennent l'offensive, selon un plan établi par le général Juin prévoyant notamment un large débordement de l'ennemi par la montagne qui couperait ses communications arrières et ouvrirait la route de Rome. Les Américains progressent le long de la côte tyrrhénienne tandis que le corps expéditionnaire français (CEF) intervient dans la zone montagneuse contre les monts Aurunci et les Britanniques, Polonais et Canadiens dans le secteur est, celui de Cassino.
Mai 1944, offensive générale en Italie. Les chars à l'assaut de Castelforte. Source : ECPAD
Les Britanniques établissent une tête de pont sur la rive droite du Rapido mais restent sous la menace du mont Cassin qui ne peut être réduit. Le CEF se lance à l'assaut des monts Aurunci, prenant le mont Majo et Castelforte. Grâce à cette manœuvre, le front ennemi est rompu. Les Français s'engagent dans la vallée de l'Ausente, contraignant les Allemands à se replier et permettant aux Américains d'accélérer leur progression le long de la côte.
Évacuant le mont Cassin, les troupes allemandes tentent de freiner l'avancée alliée en renforçant leurs défenses sur la ligne Hitler. Après de violents combats, Kesselring replie ses forces sur la ligne César, en avant de Rome, mais ne peut tenir la position. Dans le même temps, les troupes d'Anzio se lancent à l'attaque pour faire leur jonction avec la Ve armée américaine. Le 4 juin, les Américains entrent dans Rome.
Les opérations en Méditerranée de juillet 1943 à mai 1945. © MINDEF/SGA/DMPA/Joëlle Rosello
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À la poursuite des troupes allemandes
Talonnés par les Alliés, qui peu à peu voient leurs effectifs destinés à être engagés en Provence retirés du front, les Allemands poursuivent leur retraite en menant de rudes combats retardateurs. Lancés à la poursuite de l'ennemi, les Français libèrent Sienne le 3 juillet, les Polonais Ancône le 18, les Américains Livourne le 19, les Anglais Florence le 19 août.
Repliés sur la ligne Gothique, qui, au nord de l'Arno, s'étend entre Pise et Pesaro, les Allemands repoussent les offensives alliées par de violentes contre-attaques. Les Alliés s'emparent de Pise, Lucques, Rimini, Forli et Ravenne mais l'épuisement et les conditions météorologiques exécrables rendent toute progression lente et difficile. Ils ne peuvent exploiter leurs succès. Le front se stabilise jusqu'au printemps.
Défilé des troupes françaises dans Rome libéré, juin 1944. Source : ECPAD
Ultime offensive
En avril 1945, reprenant l'initiative, les Alliés déclenchent une large offensive. Supérieurs en nombre et en matériel face aux troupes allemandes du général von Vietinghoff, successeur du maréchal Kesselring nommé à la tête du front Ouest, ils s'emparent de Bologne le 22, franchissent le Pô et entrent à Vérone le 26. Plus rien ne peut arrêter leur avancée tandis que l'insurrection, menée par la résistance italienne, se développe, apportant son soutien à la libération du territoire.
Toutes les villes de l'Italie du nord sont occupées : Mantoue, Parme, Gênes, Turin, Milan. Franchissant les Alpes, les Français investissent le nord-ouest de l'Italie, du Val d'Aoste à Vintimille, tandis que les Alliés rejoignent les partisans yougoslaves à Montefalcone et s'apprêtent, au sud du col du Brenner, à faire leur jonction avec leurs troupes venant d'Allemagne.
Toute résistance étant désormais vaine, les Allemands capitulent le 29 avril après avoir retardé durant près de vingt-deux mois l'investissement de leur territoire par le sud.
La reddition prend effet le 2 mai.
Le corps expéditionnaire français
Les premiers éléments du corps expéditionnaire français arrivent à Naples fin novembre 1943. Source : ECPAD
Le corps expéditionnaire français est mis sur pied au cours de l'été 1943. Il constitue au mois d'août l'un des deux groupements du 1er corps de débarquement formé à partir d'unités rassemblées en Afrique du Nord ré-équipées par les Alliés. Il se compose alors de la 2e division d'infanterie marocaine du général Dody, de la 3e division d'infanterie algérienne du général de Monsabert, des 3e et 4e groupes de tabors marocains du général Guillaume et d'éléments de réserve générale.
Le 18 novembre 1943, il devient, sous les ordres du général Juin, 1re armée et, en vue de son engagement en Italie, est mis à la disposition du 15e groupe d'armées alliées du général Alexander, commandant le théâtre d'opérations, composé de la VIIIe armée britannique placée sous les ordres de Montgomery puis de Leese et de la Ve armée américaine de Clark. Les Français interviennent dans le cadre de la Ve armée américaine.
Dès le mois de décembre, les Français interviennent sur le front italien, conquérant les massifs du Pantano et de la Mainarde. Source : ECPAD
Éléments indispensables dans les secteurs montagneux, les compagnies muletières transportent vivres et munitions et assurent l'évacuation des blessés. Source : ECPAD
La 2e DIM et le 4e GTM débarquent en novembre, suivis de la 3e DIA et du 3e GTM en décembre. En janvier 1944, ces unités prennent officiellement le nom de corps expéditionnaire français.
Les conditions climatiques durant l'hiver 1943-1944 sont particulièrement rigoureuses. Source : ECPAD
Le CEF se renforce en février de la 4e division marocaine de montagne du général Sevez puis en avril de la 1re division de marche d'infanterie (ex-1re division française libre) du général Brosset et du 1er GTM. Ses effectifs atteignent alors près de 112 000 hommes.
Les Français s'illustrent tout au long de la campagne, dans la conquête du Pantano et de la Mainarde, en décembre 1943, du Belvédère en janvier 1944 et lors de l'offensive du printemps suivant en obtenant la rupture du front allemand sur la ligne Gustav.
Entrée des Français dans Sienne, juillet 1944. Source : ECPAD
Après la prise de Rome, ils remontent sur Sienne et le nord de la Toscane. Relevés et retirés du front courant juillet, ils sont intégrés au sein de l'armée B (future 1re armée française) commandée par le général de Lattre de Tassigny, pour débarquer en Provence en août 1944.
Après la prise de Sienne, les Français, progressivement relevés et retirés du front au cours du mois de juillet, poursuivent leur avancée vers le nord en livrant de durs combats.
Débarqués en Provence en août 1944, c'est de France qu'ils participeront à l'assaut final. Source : ECPAD
Les pertes du CEF en Italie s'élèvent à plus de 32 000 tués, disparus et blessés.
L'intervention du CEF en Italie témoigne du renouveau militaire français. Unités issues de l'armée d'Afrique et des Forces françaises libres réunies pour la première fois sous les ordres d'un même chef sont l'expression d'une armée reconstituée qui démontre son aptitude à combattre et à vaincre. Les Alliés lui rendent unanimement hommage.
La conquête de l'île d'Elbe (opération "Brassard")
Prévue pour le mois de mai 1944, la conquête de l'île d'Elbe, île italienne située à l'est de la Corse et en face de Piombino en Toscane, sur les arrières des lignes allemandes, est initialement conçue comme une opération de soutien aux forces alliées alors bloquées sur la ligne Gustav et à Anzio. La prise de Rome, le 4 juin, lui fait perdre de son intérêt stratégique mais, la configuration de l'île présentant de grandes similitudes avec les côtes de Provence, l'intervention est cependant maintenue à titre de préparation.
L'opération, fixée au 17 juin, est confiée aux forces terrestres françaises du général de Lattre de Tassigny, commandant l'armée B (future 1re armée française), et du général Martin, commandant le 1er corps d'armée français, avec le soutien des forces aéronavales alliées. Au total, 12 000 hommes sont engagés. En face, la garnison allemande se compose de quelque 3 000 hommes retranchés derrière les solides batteries, les réseaux de barbelés et les champs de mines défendant l'accès de l'île.
Ile d'Elbe, débarquement français dans la baie de Marina di Campo, 17 juin 1944 . Service historique de la défense
Embarqués à Bastia dans la nuit du 16 au 17 juin 1944, les hommes du bataillon de choc du commandant Gambiez sont chargés de neutraliser les défenses côtières et les moyens de communication de l'ennemi avant le débarquement principal dans la baie de Marina di Campo. Débarqués à 1h du matin, avec un détachement de commandos, en six points différents, cinq au sud, un au nord, ils se lancent à l'assaut de leurs objectifs.
Bénéficiant de l'effet de surprise, ils s'emparent de la plupart des batteries les plus menaçantes. Soutenus par le feu de la flotte britannique, la 9e division d'infanterie coloniale du général Magnan, les commandos d'Afrique du commandant Bouvet, les goumiers du colonel de la Tour débarquent à leur tour, non sans rencontrer une vive résistance. Le contrôle de la plage de Marina di Campo n'est obtenu qu'en milieu d'après-midi. Livrant de durs combats, les troupes françaises entreprennent alors leur progression. Le 18 juin, Porto Ferraio, la capitale de l'île, tombe. Le 19, toute l'île est occupée. Le 20, les derniers îlots de résistance sont maîtrisés. Plus de 2 000 hommes sont faits prisonniers. Les pertes ennemies se montent à plus de 500 tués. Pour les Français, l'opération se solde par 250 tués ou disparus et 600 blessés.
En 1943, les Alliés se lancent à l'assaut de l'Europe via la Sicile puis l'Italie. Pour ce second front, les anglo-américains sont bientôt glorieusement renforcés par le Corps expéditionnaire français (CEF) où, pour la première fois, les unités de l'armée d'Afrique et des Forces françaises libres se trouvent réunies sous le commandement d'un même chef : le général Juin.