Thierry de Villeneuve La Colette
Ancien de l’armée de l’Air et passionné d’histoire, Thierry de Villeneuve la Colette s’intéresse au débarquement de Provence à travers la photographie. Son travail associe des images d’archives à des vues actuelles, prises sur les lieux exacts, foulés à l’époque par les combattants.
J’ai passé mon enfance à Hyères, dans le Var. En août 1944, cette ville a été le théâtre de violents combats conduits par la 1ère division de marche d’infanterie/division française libre. Adolescent, j’ai retrouvé le corps d’un soldat allemand, enseveli depuis 35 ans par le tir d’un obus de marine de 203 par l’USS Quincy. Trois mois après, je poussais les portes du Centre d’information et de recrutement des forces armées, le CIRF. Après 8 ans dans l’armée de l’Air, j’ai repris des études d’ingénieur pour travailler dans l’industrie. J’ai toujours conservé une proximité avec l’armée. Je suis aujourd’hui porte-drapeau pour le Souvenir Français.
Votre travail associe des photographies anciennes des plages du débarquement de Provence à des vues actuelles de ces mêmes lieux. Pouvez-vous nous expliquer votre démarche artistique et mémorielle ?
A l’occasion du 70e anniversaire du Débarquement, il y a 10 ans, j’ai entamé un projet qui m’a mené très loin : rechercher les photos prises à la Libération dans la ville où je réside maintenant ; retrouver l’endroit où elles ont été prises et les "rephotographier". Au début, j’ai utilisé mon appareil numérique, mais, tout de suite, je n’ai pas été satisfait du résultat, car les objectifs modernes sont bien trop différents. J’ai donc décidé de refaire ces photos avec les mêmes appareils et objectifs utilisés à l'époque. Et là, j’ai vraiment mis le doigt dans un engrenage qui m’a intégralement happé.
J’ai étudié l’histoire des correspondants de guerre civils et des photographes militaires, qui étaient en premier lieu des combattants. Je me suis rapproché de fonds d’archives comme l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense en France, la National Archives and Records Administration aux États-Unis, les Imperial War Museums britanniques, pour ne citer que les principaux. J’ai signé des conventions de recherche avec des fonds. Je travaille avec des mandataires pour "fouiller" dans les archives étrangères. Et, surtout, j’ai parcouru le monde pour localiser, acheter et remettre en état un exemplaire de chaque matériel utilisé par les opérateurs de l’époque. Je travaille principalement avec : Graflex Speed Graphic C-3 de l’USF, Leica, Contax, Rolleiflex, Medalist, etc.
Je limite mes recherches à la période du 8 août (embarquement à Tarente des divisions d’infanterie françaises) au 31 août, fin de la bataille de Montélimar. J’ai même parcouru jusqu’à 3 300 kilomètres pour refaire UNE photo sur la plage de galets où la 3e division d’infanterie algérienne a embarqué pour rejoindre ses transports de troupe.
Au-delà de la dimension mémorielle, votre travail est aussi un travail de recherche historique, permettant de préciser les légendes de certains clichés. Vous travaillez, dans ce cadre, en lien étroit avec l’ECPAD ?
Je connais maintenant tous les opérateurs en Provence. Je suis en relation avec les familles de quelques-uns. J’ai rassemblé quelque 3 000 photos et films, que j’ai identifiés à 95%. Je suis à même de préciser le contexte exact de leur prise de vue. Mon but est de sortir de l’oubli ces photos et faire comprendre aux jeunes générations que ce que mes parents ont vécu, il y a 80 ans, pourrait tout aussi bien se produire aujourd’hui. Revoir la même scène à travers le même objectif aujourd’hui est très puissant.
Je rédige actuellement un mémoire conséquent pour présenter ces photos d’époque et leur reproduction à l’identique aujourd'hui (plus de mille pages à terme). Il sera déposé à la Bibliothèque nationale de France et sera diffusé aux fonds d’archives et aux institutions.
Vous exposez dans des municipalités, sur les anciens lieux des combats. Comment votre travail est-il reçu par le public ? Êtes-vous en lien avec des scolaires ?
Je suis très sollicité par les communes concernées et également par le ministère des Armées, qui m’a beaucoup aidé, dans le cadre des préparatifs du 80e anniversaire du débarquement de Provence. J’interviens dans les écoles, généralement en uniforme et portant un armement d’époque neutralisé. Mon auditoire est captivé et je reçois toujours des questions très pertinentes.
Plage de Beauvallon à Grimaud, août 1944 (haut) et hiver 2021 (bas)
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