Des lieux pour transmettre et comprendre

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Des jeunes visitent le camp de Neuengamme. 11 février 2012. © DR

De la prison de Montluc en France au camp de Neuengamme en Allemagne se dessine une histoire franco-allemande dont le souvenir engage aujourd’hui les équipes des sites à oeuvrer conjointement à une meilleure compréhension et transmission d’une mémoire profondément européenne.

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Le Mémorial National de la prison de Montluc a ouvert ses portes en 2010 sur le site même de l’ancien établissement pénitentiaire ayant fonctionné en tant que tel jusqu’en 2009. Sauvée de la démolition, la prison de Montluc est désormais un haut lieu de la mémoire nationale du ministère des Armées dont la gestion et le développement sont confiés à l’ONAC-VG.

Si l’histoire de Montluc est longue et complexe, oscillant entre justice militaire et justice civile, temps de paix et état de guerre, sur l’ensemble de sa période de fonctionnement entre 1921 et 2009, son utilisation pendant la Seconde Guerre mondiale en fait un lieu emblématique. Prison du régime de Vichy, elle est réquisitionnée par l’armée allemande en février 1943 après l’invasion de la zone sud. Dès lors, la prison devient un lieu de transit pour près de 10 000 Juifs, résistants, otages dans l’attente d’être fusillés, massacrés ou déportés. Les mécanismes de la répression et de la déportation sont ainsi des thématiques largement étudiées et explicitées au sein du mémorial et plus particulièrement à des fins pédagogiques.

Afin de faire évoluer ces contenus et les pratiques professionnelles, il est rapidement apparu nécessaire d’orienter le mémorial vers des perspectives européennes. En 2018, le Mémorial National de la prison de Montluc a conçu un voyage d’études à destination des enseignants d’histoire du secondaire de l’académie de Lyon, De la prison de Montluc à l’univers concentrationnaire - Regards croisés sur l’enseignement de l’internement et de la déportation en France et en Allemagne. Cette formation débutait à Montluc, puis se poursuivait en Allemagne jusqu’au camp de Neuengamme et ses kommandos, avec les sites du Bunker Valentin et de Bullenhuser Damm, en suivant le parcours de cinq internés de la prison de Montluc déportés à Neuengamme.

Le camp de concentration de Neuengamme est établi en 1938 et devient, en 1940, un camp de travail indépendant auquel sont affiliés 85 détachements extérieurs. Entre 1940 et 1945, plus de 100 000 personnes originaires de toute l’Europe y sont internées, dont environ 11 500 Français. À partir de 1948, la ville de Hambourg utilise les bâtiments et le terrain comme site pénitentiaire en installant sur l’emprise deux prisons. En 1965, un mémorial international est érigé en bordure du site et complété, en 1981, par un bâtiment d’exposition. Les deux établissements pénitentiaires ferment au début des années 2000 et le lieu de mémoire est inauguré en 2007 sur le site de l’ancien camp.

 

documents d’archives illustrant la déportation d’internés de Montluc vers Neuengamme

Corpus de documents d’archives illustrant la déportation d’internés de Montluc vers Neuengamme.
© Mémorial National de la prison de Montluc - ONAC-VG

 

Au-delà de leurs liens historiques indéniables, de nombreuses passerelles, scientifiques, patrimoniales et mémorielles, ont créé entre Montluc et Neuengamme un partenariat pédagogique vivant.

Un second voyage d’études organisé par Montluc en 2019 a réuni les deux mémoriaux à Lyon avec de multiples partenaires (mémoriels, muséaux, éducatifs, allemands et français). Cette formation relative à La transmission de l’histoire de l’internement et de la déportation a notamment permis de mettre en avant une des spécificités allemandes de recherche sur la Seconde Guerre mondiale, à savoir l’étude des bourreaux. Le séminaire proposait donc une réflexion sur leur représentation et leur utilisation dans un cadre pédagogique.

Le cas de Neuengamme a alors largement été mis en avant à cette occasion, notamment par une séance de témoignages à 4 voix faisant dialoguer deux descendants français de déportés et deux descendants allemands de persécuteurs devant un public du champ mémoriel et éducatif. Ces rencontres, engagées au Mémorial de Neuengamme, permettent notamment d’étudier le phénomène intergénérationnel et illustrent la contribution à une mémoire franco-allemande apaisée.

L’intérêt porté à des approches pédagogiques parallèles et complémentaires permet une remise en question et une innovation indispensables à destination de la jeunesse. Aussi, nourri de l’ensemble de ces échanges, le Mémorial de Montluc a procédé à l’actualisation de ses contenus pédagogiques avec, notamment, la conception de deux nouveaux ateliers pour les groupes scolaires : l’un s’inspirant des études menées sur les bourreaux autour du personnage de Klaus Barbie ; le second retraçant le parcours d’internés de Montluc déportés à Neuengamme et permettant de comprendre la déportation des résistants et les enjeux du travail forcé à partir de documents d’archives.

OEuvrant ensemble dans un objectif de transmission de mémoires partagées, Montluc et Neuengamme sont aujourd’hui impliqués dans un programme européen à l’attention des jeunes coordonné par l’Office franco-allemand de la jeunesse et visant, sur le même principe, à élargir le prisme des réflexions auprès d’autres acteurs mémoriels.

En engageant des échanges destinés à questionner et enrichir nos cultures de mémoire respectives, ces deux sites ouvrent ainsi la voie à une plus vaste réflexion autour des enjeux pédagogiques d’une mémoire et d’une citoyenneté européenne.

 

Aurélie Dessert - Directrice du Mémorial national de la prison de Montluc