Henry Frenay
Henri Frenay est né le 19 novembre 1905 à Lyon. Son père est officier, ses deux fils le seront. Henri Frenay appartient à cette génération qui célèbre la France victorieuse de 1918 et voue une haine terrible à l'Allemagne.
Il entre à Saint-Cyr de 1924 à 1926. De 1926 à 1929, il sert en métropole. A partir de 1929, il est affecté en Syrie et retourne en métropole en 1933.
C'est vers 1935 qu'Henri Frenay va faire une rencontre déterminante dans sa vie : Berty Albrecht, femme exceptionnelle, grande figure du féminisme qui oeuvre à la défense des droits de l'Homme. Elle participe à l'accueil des premiers bannis de Hitler. Par elle, Henri Frenay découvre un autre milieu et surtout la réalité de la menace nazie et comprend que cette idéologie est plus qu'un avatar du pangermanisme. C'est probablement pourquoi il décide, après l'Ecole de guerre, de partir, de 1937 à 1938, pour Strasbourg, au centre des Hautes études germaniques pour observer de près la doctrine national-socialiste et son application en Allemagne. Il comprend que la guerre est inéluctable, que c'est une guerre de civilisation qui ne ressemblera pas à la Première.
Le résistant
À la déclaration de guerre, le capitaine Frenay est affecté à Ingwiller. Fait prisonnier, il parvient à s'évader.
Dès juillet 1940, refusant la défaite, il écrit un manifeste, premier appel à la lutte armée. En décembre 1940, il est affecté à Vichy où il fait un bref séjour au service des renseignements, puis démissionne de l'armée en février 1941.
Il entre dans la clandestinité pour se consacrer exclusivement au développement de l'organisation de la Résistance qu'il a imaginée dès l'été 1940. Berty Albrecht retrouve Frenay à Vichy puis à Lyon. Ils deviennent inséparables jusqu'à la mort de Berty en 1943.
Frenay organise les premiers recrutements parmi ceux qui, comme lui, refusent l'armistice. Il publie des bulletins puis des journaux clandestins (les Petites Ailes ou Vérités) qui montrent une certaine confiance en Pétain et une croyance dans le possible double jeu de Vichy. Au même moment il rencontre pour la première fois Jean Moulin qui recueille auprès de lui ses informations sur la résistance et qu'il rapportera à de Gaulle à Londres.
Henri Frenay fonde ensuite le Mouvement de libération nationale (MLN) et édite le journal Vérités à partir de septembre 1941 avec l'aide de Berty Albrecht. En novembre, il rencontre l'universitaire François de Menthon qui dirige le mouvement Liberté, éditant un journal du même nom. De la fusion du MLN et de Liberté naît le mouvement Combat et son journal du même nom. Il devient vite le mouvement le plus grand et le plus structuré de la zone occupée.
Dès juin 1942, Frenay est recherché par la police de Vichy. A l'été 1942, Combat tire à 100 000 exemplaires. Ce développement rapide s'est effectué sans aucune aide de la France de Londres que Frenay regarde avec une grande circonspection. Il faut attendre mars 1942 pour que le journal Combat proclame son allégeance au symbole que représente de Gaulle et condamne la politique de Pétain.
Le 1er octobre, Frenay est à Londres pour signer son ralliement à de Gaulle.
Grâce aux fonds fournis par Jean Moulin, Combat peut financer ses cadres et se développer. Persuadé de l'importance de former la résistance à la lutte armée, Frenay met en place les premières cellules de l'armée secrète et les premiers groupes francs durant l'année 1942. En 1943, sous l'impulsion de Jean Moulin sont créés les Mouvements Unis de Résistance (MUR) qui unifient les principaux mouvements de la zone sud : Combat, Libération et Franc-Tireur. Frenay est alors membre du Comité directeur des MUR.
Pourtant les deux hommes vont se heurter. L'indépendance de Frenay, forte d'une légitimité qui ne doit rien à personne, tolère mal la tutelle financière et politique de Londres et l'espèce de fonctionnarisation progressive imposée à la Résistance intérieure. Frenay a créé le plus grand mouvement structuré, l'Armée secrète et le NAP (noyautage des administrations publiques); il a favorisé la création des MUR. Mais Frenay est opposé à la reconstitution des partis politiques que Moulin veut intégrer dans le Conseil national de la Résistance. De plus il critique l'idée d'une séparation du politique et du militaire, au nom de l'indépendance et aussi de l'idée de l'insurrection nationale.
Le général de Gaulle lui demande d'entrer au Comité français de Libération nationale d'Alger. Frenay devient commissaire aux prisonniers, déportés, et réfugiés, c'est-à-dire ministre. Il le restera lorsque ce gouvernement s'installera à Paris, après la Libération. Cette mission périlleuse le conduira à gérer dans l'urgence le gigantesque problème du retour des Français dispersés dans l'Europe nazifiée.
En mars 1945, 20 000 personnes sont accueillis, puis en avril 313 000, en mai 900 000 et en juin 276 000. En juillet, le ministère considère le rapatriement comme terminé.
En novembre 1945, il est l'initiateur de ce qui deviendra le Mémorial de la France combattante au Mont Valérien avant de démissionner de son poste.
L'Européen
Profondément déçu de voir les anciens partis politiques s'enfermer dans un débat interne, Frenay épouse la cause du fédéralisme européen.
Dans ses articles de Combat, Frenay rêve d'une Europe réconciliée avec elle-même et avec l'Allemagne.
Président de l'Union européenne des Fédéralistes, créée en 1946, il va tout faire pour convaincre les gouvernements de l'époque d'abandonner le cadre de l'Etat-Nation, d'établir une monnaie unique et de construire une armée européenne.Au retour du général de Gaulle au pouvoir en 1958, Frenay comprend que son rêve prend fin. Il abandonne tout engagement "citoyen" pour se consacrer à la rédaction de ses souvenirs de résistant.
Ce sera le très beau livre "La Nuit" qui finira publié en 1973. A l'occasion de cette parution, il croit découvrir les causes profondes de la rivalité qu'il a eue avec Jean Moulin. Jusqu'à sa mort,en 1988, plus guidé par son ressentiment que par la recherche de la vérité, il ne va cesser d'accuser Jean Moulin d'être un "crypto-communiste" qui aurait trahi de Gaulle et la Résistance. Ce sera un combat douteux, le combat de trop. La mémoire collective ne lui pardonnera pas.