Jean Errard
Jean Errard est un protestant natif de Bar-le-Duc. Après des études de mathématique et de géométrie, il est formé par des ingénieurs italiens au service du duc de Lorraine, Charles III, chez qui il entre en 1580. En 1583, il reçoit de ce dernier une somme d'argent pour publier des livres (notamment le premier livre des instruments mathématiques mécaniques) . Son protecteur se ralliant à la Ligue, Errard doit quitter la Lorraine en 1584, pour se réfugier dans la principauté calviniste de Sedan, au service des la Marck, ducs de Bouillon, où il reçoit le titre d'ingénieur du prince de Sedan. Il y poursuit les travaux de l'enceinte urbaine bastionnée, puis part en 1587 à Jametz, les Sedanais ayant décidé de mettre la place en état de défense. Assiégés par les troupes lorraines de Charles III à la fin de 1587, Sedan capitule le 24 juillet 1589. Jean Errard s'y réfugie alors.
Rendu célèbre par sa longue défense de Jametz (six mois), la réputation d'Errard parvient à Henri IV, nouvellement couronné, qui l'appelle à son service. Il accompagne alors le souverain dans les différentes campagnes menées pour reconquérir son royaume, s'occupe des opérations de siège, construit des bastions et édifie de nouvelles fortifications.
Il devient ingénieur des fortifications picardes et d'Île-de-France. Henri IV le charge de remettre en état la défense de la plupart des places fortes. Le roi lui donne le titre de Premier Ingénieur, l'admet au conseil royal et l'anoblit en 1599. Il construit les citadelles d'Amiens et de Verdun, modifie les places de Doullens dans la Somme, de Montreuil (Pas-de-Calais), Sedan, ainsi que Sisteron où la face et le flanc du bastion forment un angle droit.
Jean Errard est ainsi le premier à appliquer en France le principe de la fortification bastionnée et à en exposer les principes. Ses travaux lui valent le qualificatif de "père de la fortification française". La géométrie conditionne sa pensée stratégique : Errard y explique tous les procédés qui permettent de tracer sur le terrain les différents polygones, réguliers ou irréguliers, indispensables pour bien fortifier une place.
La règle majeure de son oeuvre théorique réside dans le fait que la défense d'une place doit reposer davantage sur l'infanterie que sur l'artillerie, dont le feu à son époque n'est pas efficace de face.
Son système se compose de bastions, pouvant accueillir deux cents fantassins, tirant de face, et larges d'environ 70 mètres. Ils sont flanqués de batteries d'artillerie, de 30 mètres de large - le principe des ouvrages avancés inspirera Vauban.
Ses plans prévoient des chemins couverts pour défendre les glacis (notion de "défilement"), ainsi que des demi-lunes entre les bastions pour protéger les portes courtines (notion de "flanquement"). Le principal inconvénient de ce système défensif est de présenter des bastions dont le plan à angles trop aigus ne présentent pas toutes les garanties de sécurité pour les assiégés.
Les principes théoriques d'Errard inspirent les travaux de l'ingénieur Jean Sarrazin, du Chevalier Deville (1595-1656), qui affine la notion de flanquement et divise le chemin couvert, et Blaise Pagan (1607-1667), inspirateur de Vauban, promoteur de la demi-lune (évolution de la barbacane), pour qui le bastion résulte du tracé sinueux brisé de l'enceinte.
Ingénieur, Jean Errard travaille aux questions d'hydraulique. En 1594, il conçoit un système de transformation de l'énergie produite par une roue à eau au moyen d'une tige, évitant les problèmes liés au reflux du courant. Il élabore en 1600 les plans d'un système de commande par chaînes pour les pompes à eau, repris par Arnold Deville.
Errard est l'auteur du Premier Livre des instruments mathématiques et mécaniques, paru à Nancy en 1583, et de La Géométrie et pratique générale d'icelle, (Paris, 1594). Il est aussi un des premier traducteur d'Euclide et publie à Paris en 1604 et 1605 Les neufs premiers livres des Eléments d'Euclide traduits et commentez.
Son oeuvre majeure reste La fortification démonstrée et réduicte en art, dont la première édition sort à Paris avec subvention royale en 1600. Le succès du traité occasionne une réédition en 1604 et les éditeurs allemands en réalisent des copies : à Francfort en 1604, 1617 et 1622, et à Oppenheim en 1616 et 1617. Son neveu, Alexis Errard, se charge ensuite de remanier l'édition originale en fonction des notes de son oncle et en publie à Paris en 1620 une troisième édition.