Marie-Madeleine Fourcade
Résistante dès 1940, Marie-Madeleine Fourcade fut la seule femme reconnue comme chef d’un grand réseau de résistance français, le réseau Alliance. Michèle Cointet, sa biographe, nous relate son parcours hors du commun.
Marie-Madeleine Bridou échappe aux conformismes du milieu bourgeois où elle naît en 1909. Éloignée de son mari Édouard Méric, officier des Affaires indigènes au Maroc, elle vit avec ses deux enfants à Paris. Elle se partage entre « Radio-Cité » et le secrétariat général des publications anticommunistes et antiallemandes du commandant Loustaunau-Lacau, fondateur du réseau Corvignolles et de La Spirale, son initiateur ès activités secrètes. L’amour d’une patrie mythifiée dans une enfance à Shanghai où son père était l’agent général des Messageries maritimes et… « honorable correspondant », une absence d’illusions sur le maréchal Pétain, inspirent en juin 1940 un réflexe : puisque les hommes ont déposé les armes c’est aux femmes de les relever.
Elle se laisse cependant convaincre de suivre à Vichy Loustaunau-Lacau, attiré par une délégation générale à la puissante Légion française des combattants. S’y met en place un réseau centré sur Marseille et Vichy qui se révèle un terrain fertile où recruter fonctionnaires de ministères et officiers patriotes. La rupture avec Vichy ne tarde d’ailleurs pas, l’amiral Darlan renvoyant en février 1941 Loustaunau-Lacau de la Légion. L’évolution de la guerre leur offre une opportunité de s’engager activement contre Hitler. En effet, la guerre sous-marine met en péril la survie des Britanniques. Obtenir des renseignements sur les départs de Lorient des sous-marins est vital. Seul des Français peuvent les fournir. En avril 1941, un contact est établi à Lisbonne d’où Loustaunau-Lacau rapporte de l’argent et un premier poste-émetteur, l’arme la plus efficace car remédiant aux délais de plusieurs semaines des anciens courriers et permettant enfin une riposte immédiate. Alliance en possédera jusqu’à 17. Marie-Madeleine n’étant pas « grillée » comme Loustaunau-Lacau à Paris organise en zone nord et dans l’ouest le réseau Alliance, un nom qui proclame la fidélité à l’Angleterre et l’égalité des partenaires. Les Allemands l’appelleront « Arche de Noé » en raison des pseudonymes d’animaux adoptés par ses membres.
Arrêté à Alger en mai 1941, Loustaunau-Lacau est condamné puis livré aux Allemands. Marie-Madeleine tirera de cet épisode un refus des engagements politiques, ce qui éloignera d’elle des membres comme le général Alamichel qui voulait se rattacher au général de Gaulle. Poussée par ses compagnons, elle succède à Loustaunau-Lacau en usant d’une signature neutre : POZ 55. Les résultats étant exceptionnels, les Britanniques finissent par reconnaître la femme enfin dévoilée comme chef du réseau de renseignements militaires, la seule à en bénéficier en Europe. Grande organisatrice, autoritaire, rigoureuse, entraîneuse d’hommes, hardie, elle a assez de souplesse d’esprit pour suivre les conseils des Britanniques de décentralisation du réseau en sous réseaux comme Sea Star ou les remarquables Druides de Georges Lamarque.
Alliance recrute beaucoup dans la fonction publique et présente une originalité : 24% des membres sont des femmes, ce qui en fait l’organisation résistante la plus féminisée. Alliance a joué son plus grand rôle dans la bataille de l’Atlantique, en fournissant des renseignements sur les TCO (transports allemands vers l’Est), une première information grâce à Amniarix (Jeannie Rousseau) sur les essais de V1 et V2 à Peenemünde, des relevés des rampes de lancement dans le nord-ouest de la France, une carte renseignée des défenses de l’Atlantique. Marie-Madeleine organise le départ le 4 novembre 1942, en sous-marin depuis le Lavandou, du général Giraud qui doit accueillir le débarquement allié à Alger.
Retenue en Angleterre à cause de l’arrestation, en septembre 1943, de son adjoint Faye, elle obtient de revenir en France en juillet 1944 et réalise, après son évasion d’une caserne allemande, des missions de renseignements en avant de l’armée de Patton.
Sensible aux détresses matérielles et morales, elle veille pendant plus de vingt ans sur les survivants et les familles d’un réseau très éprouvé – 431 disparus, soit un tiers de ses membres. Elle publie des souvenirs en forme de mémorial sous le titre L’Arche de Noé et défend la mémoire de la Résistance en tant que présidente du Comité d’action de la Résistance. Elle contribue, avec son mari, le Français libre Hubert Fourcade, au retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958. Ni icône d’un parti politique, ni militante antifasciste, elle est restée fidèle à sa conception de la Résistance : un combat patriotique efficace contre l’Allemagne hitlérienne.