Colonel Ettori
Chargé de préserver et développer les intérêts français en matière de défense en Corée du Sud, le colonel
Frédéric Ettori présente les spécificités de la mémoire partagée franco-coréenne et les acteurs qui la font
vivre et perdurer.
Le souvenir de la guerre de Corée reste évidemment très présent dans la péninsule. Qu’en est-il de la mémoire de la participation française ?
Bien que le pays soit toujours juridiquement en état de belligérance et malgré les tensions récurrentes, le souvenir de la guerre en Corée tend à s’altérer, comme ailleurs, avec la disparition progressive des vétérans. La mémoire de la participation française suit naturellement le même chemin. Il faut donc en permanence trouver des moyens de faire vivre le souvenir et résonner les aventures du bataillon français. Heureusement, la France a de véritables atouts : le personnage du général Monclar devenu quasiment un mythe, l’unité la plus décorée, la plus meurtrie au prorata de ses effectifs, celle qui n’a jamais perdu, celle que l’on envoyait lorsque la victoire échappait… Mais ce fut surtout la seule dans laquelle des soldats étrangers et coréens ont été amalgamés, constituant un magnifique symbole de fraternité d’armes très apprécié ici.
Quelles actions développez-vous, en tant qu’attaché de défense, pour valoriser cette mémoire commune ?
D’abord et avant tout, ancrer une relation mémorielle bilatérale avec les autorités coréennes pour valoriser l’action spécifique de la France, sans la diluer dans des ensembles plus larges. Ensuite, au-delà des commémorations classiques, il est indispensable d’intéresser les jeunesses coréenne et française par des moyens adaptés. Nous travaillons à la réalisation d’un webtoon (ndlr : bande-dessinée publiée sur Internet) lancé par mon prédécesseur, le colonel Dupont et nous espérons déboucher sur une série ("drama"). Nous travaillons étroitement avec les lycées français de Séoul dont les proviseurs sont très attentifs au sujet, sous l’angle de l’histoire et de la citoyenneté. Nous allons multiplier la traduction des supports audiovisuels existants pour les rendre accessibles au public coréen, et avons déjà commencé à le faire avec le concours de la direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA). Nous nous intégrons enfin aux actions du gouvernement coréen ou du War Memorial de Séoul pour valoriser le patrimoine de mémoire et assurer sa conservation.
Cérémonie commémorative de la bataille de Chipyong-ni (13-16 février 1951)
en présence de l’ambassadeur de France en République de Corée et du colonel Ettori, 16 février 2023.
© Ambassade de France en Corée
Quels sont vos interlocuteurs et les soutiens sur lesquels vous pouvez compter ?
L’Ambassadeur de France, M. Lefort, porte la voix de la France sur ce sujet et appuie sans réserve la mission de défense. Le ministère des Armées apporte également un soutien réel et efficace et le cabinet de notre secrétaire d’État, madame Patricia Miralles, suit avec bienveillance nos dossiers. Ensuite, bien évidemment, l’association des Anciens et Amis du bataillon de Corée (ANAAFFONU), dont le président M. Beaudoin et le vice-président M. Quintard sont d’infatigables sherpas. Je ne peux oublier M. Nass, un de mes prédécesseurs, qui a mis en place le chemin de mémoire et qui n’est jamais avare d’aide ou de conseils. Mais aussi nos amis coréens, qu’il s’agisse de l’ambassade de Corée à Paris, du ministère des Patriotes et des Anciens combattants (MPVA) ou de l’association des vétérans coréens (KVA). L’attaché de défense est donc loin d’être seul sur ce dossier. J’essaye, modestement, au sein de l’ambassade, d’assurer la coordination de l’action de ces entités.
Ces actions mémorielles ont-elles un impact sur l’image actuelle de la France dans le pays ?
Sans aucun doute. Outre le devoir de mémoire, l’engagement de la France en Corée constitue un symbole fort de l’amitié entre nos deux pays et y renforce notre influence. Il rappelle aussi à tous, y compris aux armées coréennes, que l’importance d’un engagement militaire ne se mesure pas seulement au nombre, mais aussi à la valeur des moyens engagés. La France, même de l’autre bout du monde, peut projeter des unités capables de changer l’Histoire et de faire basculer la destinée. Grâce aux exploits du bataillon, l’image des soldats français d’aujourd’hui est celle de leurs anciens : volontaires, rustiques, bien encadrés mais capables d’initiatives, dotés d’un sens moral et d’une éthique élevés, souvent atypiques, mais tous animés d’une farouche volonté de vaincre.
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