La création de l’ONU
Il y a 70 ans, le 26 juin 1945, était signée la charte des Nations unies à San Francisco. Ce texte fondateur de la nouvelle institution internationale à laquelle adhérèrent 51 états devait garantir la paix et la sécurité dans le monde après la Seconde Guerre mondiale.
Instrument constitutif de l’Organisation des Nations unies, la Charte est le fruit d’un long processus dont les grandes lignes sont déjà esquissées avant la fin de la guerre, en octobre 1944. Elle est adoptée le 26 juin 1945 par 50 États signataires (la Pologne la signa plus tard mais fait néanmoins partie des États membres originels) et entre en vigueur le 24 octobre 1945. Le préambule de la Charte témoigne de l’immense espoir que les nations nourrissent envers ce nouvel instrument international : "Nous, peuples des nations unies, résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances, à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites, à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international, à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande [...] avons décidé d’associer nos efforts pour réaliser ces desseins [...]".
Un projet si ambitieux ne pouvait manquer de faire ressurgir de nombreuses divergences de vue, d’autant que la Charte définissait un nouvel ordre mondial reposant sur une hiérarchie issue de la guerre. Ainsi, promouvoir le déploiement d’un système global de résolution des conflits remettait en cause des organisations régionales pourtant génératrices de stabilité dans de larges zones du globe. Ne pouvant être simplement absorbées, ces dernières virent leur rôle confirmé (article 52 de la Charte) et purent obtenir le statut d’observateur, à condition toutefois que leurs buts soient conformes à ceux des Nations unies. De même, la mise en place de la Cour internationale de justice (CIJ, article 92) ne fit pas l’unanimité et en définitive, il fut décidé que les pays membres ne seraient pas obligés d’en reconnaître la compétence. Ainsi, l’activité juridictionnelle de la CIJ restait tributaire du consentement des États, ce qui en limita considérablement les moyens. Mais surtout, malgré le principe démocratique "un pays, une voix" observé tant à l’Assemblée général qu’au Conseil de sécurité, ce fut la question du droit de veto des cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Royaume-Uni, États-Unis, Union soviétique, Chine et France) qui fit l’objet des discussions les plus âpres. Beaucoup voyaient dans cette disposition l’expression d’un arbitraire contraire à l’esprit même du préambule de la Charte. En imposant cette disposition, en en faisant même la pierre angulaire de la nouvelle organisation, les "Cinq Grands" se présentaient comme les nouveaux chefs de file de l’humanité. Cette légitimité s’appuyait sur le principe de responsabilité et sur la réalité issue de la guerre. Cependant elle était discutable, les autres pays pouvant craindre que le système ne fut taillé que pour protéger les intérêts des "Grands". La logique de guerre froide qui s’imposa à partir de 1947, puis la guerre de Corée allaient bientôt montrer quelques-unes des limites de cette organisation, qui aujourd’hui encore fait débat, d’autant que les lignes de force de 1945 ne sont plus celles du monde actuel.
À ce jour, l’Organisation des Nations unies regroupe 193 États membres sur les 197 États reconnus. Maintenir la paix et la sécurité internationales, garantir le droit international, interdire le recours à la force et obliger à un règlement pacifique des antagonismes, promouvoir le développement durable, fournir de l’aide humanitaire et protéger les droits de l’homme, tels sont les principes et missions fixés par la Charte des Nations unies. Depuis soixante-dix ans, l’ONU dispose d’une force militaire d’intervention, les "Casques bleus" et agit dans ce sens en faveur de la paix partout dans le monde. Alors que le président américain Truman promettait dans son discours de clôture, en 1945, "une victoire contre la guerre elle-même...", il reste en effet beaucoup de chemin à parcourir.
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Docteur en histoire, chercheur à l’ESPE d’Aix-Marseille et membre de l’équipe pédagogique du Master Etudes européennes d’Aix-Marseille Université, Mauve Carbonell revient sur les raisons qui ont présidé au renouveau de l’idée européenne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
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