Le Souvenir Français
Créé en 1887, le Souvenir Français est un "enfant" de la République. Sa création répond à la volonté du gouvernement républicain d’utiliser la mémoire de la guerre de 1870 pour "faire Nation". Héritier de 1870, il a toujours été un acteur de sa mémoire.
Au lendemain de la défaite de 1870, deux acteurs collectifs mémoriels se mettent en place : le clergé et la République, avec notamment la loi du 4 avril 1873 sur la "conservation des tombes des soldats morts pendant la guerre de 1870-71". De 1873 à 1878, l’État finance ainsi 87396 sépultures reparties sur 1438 communes dans 38 départements. La mémoire s’impose comme une affaire d’État. La commémoration de la défaite de 1870 devient porteuse d’avenir. Une politique globale est mise en place avec la multiplication des cérémonies (création du 14 juillet comme fête nationale en 1880), et l’érection massive de monuments dans les cantons et les villes de France.
La République et l’Œuvre des Tombes et des Prières, créée par le père Joseph rentrent en concurrence. L’État part à la recherche d’un nouvel interlocuteur, ce sera le Souvenir Français. Le 19 février 1887, les statuts de cette nouvelle association sont adoptés. Ils prévoient dans son article 3 : "La Société a pour objet d’entretenir les tombes des soldats morts sur le sol de la Patrie ou à l’étranger ; de veiller à la conservation des monuments funéraires". Son comité fondateur est composé en quasi-totalité de Lorrains émigrés en France après l’annexion.
Fort du soutien de l’État, le Souvenir Français progresse. L’association multiple les initiatives. Entre 1887 et 1913, plus d’une centaine de monuments sont érigés et plus de 2000 plaques sont apposées. À partir du début du XXe siècle, le Souvenir Français s’impose comme un instrument de la politique de la Revanche.
Le 4 octobre 1908, le premier monument français de 1870 est inauguré à Noisseville (à côté de Metz).
Le 17 octobre 1909, une seconde inauguration a lieu en Alsace à Wissembourg en présence dit-on de plus de cent mille personnes. Ces deux initiatives marquent le véritable réveil populaire du sentiment pro-français dans les provinces annexées. La progression de l’association inquiète fortement les autorités allemandes qui ordonnent sa dissolution en Alsace-Lorraine le 23 janvier 1913.
Fier et riche de son héritage, le Souvenir Français a souhaité être un acteur du 150e anniversaire de la guerre de 1870- 1871. Un acteur réaliste d’abord, car qui se souvient en effet encore de la guerre de 1870-1871 ? Le 11 novembre 1920, le transfert du corps du Soldat Inconnu sous l’Arc de Triomphe volait la vedette au cœur de Gambetta déposé au Panthéon. Puis ce fut durant les années de l’Entre-deux-guerres au tour de la commune de Paris de prendre la lumière. Faut-il dès lors commémorer 1870 alors que la France et le monde connaissent un temps de rupture historique exceptionnel avec la pandémie du siècle ? 150 ans sont passés, répartis en deux versants d’une durée identique. 75 ans de guerres franco-allemandes. 75 ans de paix européenne, ce second versant étant en développement.
En évoquant en 1941 la guerre de 30 ans en cours dont il anticipait la fin pour les années 1944-1945, le général de Gaulle, qui était pétri de la connaissance de la défaite de 1870/71, oublia le vrai commencement du cycle guerrier – 1870 et non 1914. Mais, il intégrait la force du temps de la clôture mémorielle intervenue le 11 novembre 1920. Alors, osons la réouverture de la mémoire de 1870/2020, qui nous apprend tant sur notre République, sur nos relations franco-allemandes et sur notre monde.
Être acteur mémoriel de 1870-1871, c’est avoir le courage de penser que cette guerre est un temps décisif de nos vies de Français, d’Allemands et tout simplement d’Européens.
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L’évènement
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L’entretien
Charlotte Schénique
Étudiante à l'université de Lorraine, Charlotte Schénique s'intéresse à la mémoire et au patrimoine hérités dans la région de la guerre de 1870-71. Elle travaille par ailleurs au musée de la guerre de 1870 et de l'Annexion à Gravelotte.
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