Le tourisme de mémoire, en Provence-Alpes-Côte d'Azur

Partager :

La Promenade des Anglais, Nice, 1920.
La Promenade des Anglais, Nice, 1920. - © Stefano Bianchetti / Bridgeman Images

Sommaire

    En résumé

    En revenant sur les lieux mêmes des combats passés, Chemins de mémoire vous propose de (re)découvrir autrement la 2e région touristique de France, plus connue pour ses paysages et son climat que pour son histoire mouvementée durant la Seconde Guerre mondiale.

    Le tourisme est un secteur d’activité à part entière, qui structure profondément la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Traditionnellement orienté vers le balnéotropisme et l’héliotropisme, il peut toutefois aussi s’appuyer sur les vestiges d’une histoire millénaire. De nombreux acteurs donnent aujourd’hui une visibilité nouvelle aux lieux de mémoire de la région, notamment dans le cadre des commémorations du 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale.

    La région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) est actuellement, en termes de fréquentation nationale, la première région touristique de France et la deuxième région d’accueil en matière de public international. Le tourisme, dont le développement date du début du XIXe siècle, pèse d’un poids économique considérable, amenant au territoire 20 milliards d’euros de recettes annuelles et représentant 13% de son PIB. Chaque année, 30 millions de séjours touristiques sont ainsi comptabilisés, dont près de 7 millions sont le fait de ressortissants étrangers. L’ensemble représente 213 millions de nuitées.

    D’abord réservé à une élite recherchant les conditions climatiques favorables de la Riviera ou des Alpes, le tourisme s’est ensuite développé et démocratisé au cours du XXe siècle, accompagnant la densification du littoral et la création, parfois ex nihilo, de nombreuses stations balnéaires. Si cette activité, concentrée dans le temps et dans l’espace, s’est dans un premier temps structurée autour de pratiques estivales et de loisirs, elle comporte aussi une dimension culturelle et historique, profitant du patrimoine historique exceptionnel dont la région est dotée et dont la valeur est reconnue dès le XIXe siècle.

    Un riche patrimoine mémoriel

    De la grotte Cosquer à la fondation de Marseille au VIe siècle avant JC, en passant par les vestiges romains et l’implantation temporaire du pouvoir épiscopal à Avignon, le patrimoine historique en Provence-Alpes-Côte d’Azur est particulièrement riche et varié. Il témoigne de l’ancienneté de la présence humaine et du rôle fondamental de cet espace dans les échanges commerciaux méditerranéens. Interface entre la Méditerranée et les Alpes, lieu d’échanges et de conflits, espace frontière et de rencontres, la région est au carrefour de nombreuses influences.

    Le patrimoine militaire et mémoriel du territoire reflète ces singularités, sa situation géographique ayant contribué à faire très tôt de l’espace provençal une zone stratégique dans la défense du territoire national. Les Alpes du Sud comptent ainsi de nombreux ouvrages fortifiés réalisés par Vauban (Briançon, forteresse du Mont-Dauphin) ou, au XIXe siècle, sur le modèle Séré de Rivières (dans la vallée de l’Ubaye notamment). Sur la façade méditerranéenne, le musée national de la Marine à Toulon, le musée de la Légion étrangère à Aubagne et celui des Troupes de Marine à Fréjus, rappellent la présence historique d’unités militaires dans la région.

    Au cours de la Première Guerre mondiale, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur est restée éloignée des combats. Le port de Marseille a toutefois constitué une importante zone de passage des troupes venues d’Afrique, d’Asie et d’Océanie, qu’elles aillent ensuite combattre sur les fronts du Nord ou de l’Est de la France. Les soldats français en partance par les Dardanelles sont aussi passés par le port phocéen.

    Fort Vauban à Seyne-les-Alpes (04)
    © Fort et Patrimoine du Pays de Seyne

    Autre lieu de mémoire rattaché à la Grande Guerre, la nécropole nationale franco-italienne de Saint-Mandrier-sur-Mer, située dans le Var, où reposent des soldats et marins tués au cours ou des suites du conflit, notamment sur le front d’Orient.

    Pendant l'entre-deux-guerres, la région a été pleinement intégrée au dispositif de fortification de la ligne Maginot, ce dont témoignent de nombreux vestiges, parmi lesquels le Fort de Sainte-Agnès, initialement destiné à protéger la baie de Menton.

    Aujourd’hui, les lieux de mémoire ouverts au public en Provence-Alpes-Côte d’Azur sont essentiellement liés à la Seconde Guerre mondiale. De par sa proximité géographique avec l’Italie fasciste et son littoral tourné vers l’empire colonial, la région a, en effet, été dès le début du conflit un espace particulièrement investi par les belligérants.

    Le Fort de la ligne Maginot à Sainte-Agnès (Alpes-Maritimes)
    © Vincent Jacques - Drone de Regard

    Une structure liée à la Seconde Guerre mondiale

    La structuration du tourisme de mémoire dans la région s’amorce dès 1945 et doit beaucoup aux lieux de mémoire du débarquement en Provence. Le 15 août 1964 est ainsi inauguré par le général de Gaulle le mémorial du débarquement et de la libération en Provence, au Mont-Faron. Installé dans la tour Beaumont, sur les hauteurs de Toulon, le mémorial rend hommage aux hommes et aux femmes engagés dans les opérations du débarquement et de la libération de la Provence. Rénové en 2014-2017, ce haut lieu de la mémoire nationale du ministère des Armées offre aux visiteurs une perspective historique et pédagogique renouvelée sur l’opération Dragoon et ceux qui y ont participé. Les nécropoles nationales de Signes, Rayol-Canadel-sur-Mer, et Saint-Raphaël - Boulouris, commémorent, quant à elles, les quelque 4 500 résistants et soldats morts pour la France dans la région au cours de la Seconde Guerre mondiale. Les troupes étrangères ne sont pas oubliées, le cimetière américain de Draguignan rendant par exemple hommage à 851 soldats américains tombés dans le Sud de la France, en 1944.

    Les années 1990 ont aussi vu l’émergence de lieux de mémoire consacrés à la Résistance en Provence-Alpes-Côte d’Azur, avec la création du musée de la Résistance azuréenne à Nice ou celle du musée d’histoire Jean Garcin à Fontaine-de-Vaucluse. La figure de Jean Moulin est également rappelée au musée qui lui est dédié, à Saint-Andiol. Ouvert en 2018, ses collections rappellent les racines provençales du grand résistant et son attachement au village de Saint-Andiol, près duquel il est aussi parachuté lors d’une de ses missions en France, le 2 janvier 1942.

    Fresque murale marquant le début du chemin de la Liberté ou route
    Jean Moulin (Saint-Andiol, Bouches-du-Rhône).
    © Collection Robert Mencherini / Musée de la Résistance en ligne

    La mémoire de l’internement et de la déportation est également présente dans la région, avec l’ouverture en 2012 du site-mémorial du camp des Milles. Situé à Aix-en-Provence, le camp des Milles fut, entre 1939 et 1942, un lieu d’internement pour près de 10 000 personnes et un lieu de déportation de près de 2 000 juifs. Il est aujourd’hui le principal acteur du territoire portant sur cette mémoire et est un lieu où se mêlent éducation, art et sciences.

    Enfin, depuis le début des années 90, la région accueille également la mémoire des guerres en Indochine à Fréjus, avec le cimetière militaire de La Lègue, qui renferme notamment les restes mortels de militaires rapatriés d’Indochine non morts pour la France. Un autre site localisé à Fréjus est devenu le mémorial qui rend hommage aux soldats morts pour la France en Indochine entre 1940 et 1954 et est, au même titre que le mémorial du Mont-Faron, un haut lieu de la mémoire nationale du ministère des Armées. Il est le cadre, tous les 8 juin, d’une cérémonie en hommage aux morts pour la France durant les guerres d’Indochine.

    La structuration du tourisme de mémoire en région PACA s’appuie donc sur un patrimoine représentatif des conflits contemporains en France. En 2022, les lieux de mémoire de la région ont accueilli 184 000 visiteurs, dont 10% de visiteurs internationaux. Les collectivités territoriales s’appuient aujourd’hui sur le 80e anniversaire du débarquement et de la libération de Provence, afin d’impulser une nouvelle dynamique pour diversifier le tourisme dans la région et renouveler l’intérêt du public autour des sites de la Seconde Guerre mondiale.

    Le 80e anniversaire du débarquement et de la libération de Provence, un enjeu majeur pour la région

    À l’occasion du 80e anniversaire du débarquement et la libération de Provence, de nombreuses actions de valorisation sont portées dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur par le Comité régional du tourisme, mais aussi par les départements, notamment celui du Var.

    Plusieurs projets, engagés par des associations ou des collectivités territoriales, entrent ainsi dans le cadre du dispositif de subvention "Mémoires des XXe et XXIe siècles" soutenu par la région PACA, en lien avec les programmes de commémorations de 2024 et 2025. Ce dispositif a pour objectif de perpétuer le souvenir et honorer la mémoire de tous ceux qui ont combattu et sont morts pour la France lors des conflits des XXe et XXIe siècles. Parmi les projets soutenus, la création d’une série documentaire, bénéficiant elle-même de l’appui du ministère des Armées et intitulée "Libération(s)". Elle traite, en plusieurs épisodes, des dix-huit mois séparant le débarquement allié du 6 juin 1944 du départ du général de Gaulle du pouvoir, en janvier 1946, une partie du synopsis portant évidemment sur la région PACA et les événements de Provence.

    Par ailleurs, la région est partenaire de la fondation Charles de Gaulle, avec laquelle elle organise expositions et conférences à destination du grand public, animées par des universitaires, des enseignants du secondaire ou des membres de sociétés d’histoire, permettant de mettre en valeur la parole de personnalités ou d’historiens locaux.

    Le développement du tourisme de mémoire représente donc, d’une part, un enjeu civique et pédagogique, puisqu’il s’agit de transmettre un patrimoine mémoriel aux jeunes générations, d’autre part un enjeu culturel et touristique, puisqu’il s’agit de préserver un patrimoine de pierre et de promouvoir l’attractivité des territoires.

    À une autre échelle, les actions menées par le département du Var témoignent aussi d’une politique de structuration du tourisme de mémoire. Le projet "Var 1944 – Les routes varoises de la liberté" a été ainsi officiellement lancé le 9 juin 2023 par Jean-Louis Masson, président du conseil départemental. Ce projet ambitieux met à l’honneur les lieux varois emblématiques du débarquement en Provence, tout en permettant de rendre hommage aux femmes et aux hommes, civils et militaires, qui y ont participé, à travers une signalétique directionnelle et une programmation culturelle et touristique dédiée. La création de cette route mémorielle s’accompagne d’un dispositif immersif : "Var 1944". L’application, en réalité augmentée, permet de découvrir les sites des routes varoises de la liberté, à l’aide d’un QR code présent sur les différents lieux emblématiques du débarquement et de la libération du département. Elle donne accès à 80 témoignages et à de très nombreuses images d’archives de civils, de résistants, de soldats américains et français… Le département est, par ailleurs, membre de la Liberation Route Europe Foundation (LRE), réseau international qui réunit des acteurs se consacrant à la valorisation et à la promotion du patrimoine de la Seconde Guerre mondiale en Europe.

    Enfin, à l’échelle locale, de très nombreuses actions sont également mises en place, comme à Saint-Raphaël, avec la création d’un chemin de mémoire composé de plusieurs panneaux retraçant l’histoire du débarquement et de la libération de la ville par les troupes américaines.

    Et après les commémorations ?

    Si les différentes actions menées à l’occasion du 80e anniversaire du débarquement et de la libération de Provence devraient donner une grande visibilité aux sites liés à la Seconde Guerre mondiale, les acteurs locaux sont engagés depuis longtemps dans une démarche de pérennisation et de structuration du tourisme de mémoire, afin de continuer à transmettre, au-delà du temps ponctuel des commémorations, cette riche histoire régionale aux jeunes générations.

    Le label "Var 1944 - les routes varoises de la liberté", mis en place par le département en 2023, a ainsi pour objectif de pérenniser la valorisation des lieux varois concernés et de rendre durablement hommage à tous ceux qui ont pris part aux combats de la Libération. La région montre également son engagement de manière durable en finançant des voyages scolaires et en permettant, par exemple, aux jeunes générations de visiter le camp des Milles. De plus, certaines des expositions proposées dans le cadre de l’anniversaire, comme "Les forces de la liberté", construite par l’Office national des combattants et des victimes de guerre, ont vocation à devenir itinérantes sur le territoire national.

    © Département du Var

    La direction de la mémoire, de la culture et des archives du ministère des Armées poursuivra, quant à elle, sa politique de soutien afin d'accompagner au mieux les acteurs mémoriels territoriaux et faire vivre les lieux de mémoire de la région PACA. Cette politique se traduit notamment par la poursuite des restaurations des sites de mémoire du ministère, entreprises depuis 2019 dans le cadre des cycles commémoratifs qui concernent la région.

    Auteur

    Pôle tourisme de mémoire - Direction de la mémoire, de la culture et des archives du ministère des Armées