Le retour à la République

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Les Parisiens ovationnant le général de Gaulle sur les Champs Elysées, 26 août.
Les Parisiens ovationnant le général de Gaulle sur les Champs Elysées, 26 août. - © Coll. NARA. US Musée du général Leclerc et de la Libération de Paris/Musée Jean Moulin (Paris Musées)

Sommaire

    Chronologie
    Chronologie
    Du débarquement en Normandie à la libération de Strasbourg
    juin 1944

    6 juin : débarquement allié en Normandie.
    8 juin : libération de Bayeux.
    9 juin : massacres de Tulle.
    10 juin : massacres d'Oradour-sur-Glane.
    14 juin : débarquement du général de Gaulle à Courseulles-sur-mer, dans le Calvados . discours de Bayeux.

    Juillet 1944

    19 juillet : libération de Caen.
    20 juillet : massacres de Vassieux-en-Vercors.

    août 1944

    1er août : débarquement de la 2e DB (division blindée) du général Leclerc à Utah Beach.
    4 août : libération de Rennes.
    5 août : libération de Vannes.
    8 août : libération du Mans.
    12 août : libération d'Angers et Nantes.
    15 août : débarquement de la 1re armée de De Lattre et de la 1re DFL (division française libre) en Provence.
    16 août : exécution de 35 résistants par les Allemands près de la grande cascade du bois de Boulogne . libération d'Orléans et Tulle.
    17 août : départ de Drancy du dernier convoi de déportés juifs . libération de Cahors. 
    20 août : libération de Pau et d'Albi.
    21 août : libération de la poche de Falaise.
    22 août : libération de Grenoble.
    25 août : libération de Paris, entrée du général de Gaulle dans la capitale.
    26 août : Descente des Champs-Élysées par le général de Gaulles et des personnalités de la France Libre et de la Résistance.
    27 août : libération de Toulon.
    28 août : libération de Marseille.
    31 août : transfert du siège du Gouvernement provisoire de la République française d'Alger à Paris.

    septembre 1944

    3 septembre : libération de Lyon.
    7 septembre : départ de Philippe Pétain et de Pierre Laval pour l'Allemagne.
    12 septembre : jonction des armées de l'ouest (2e DB) et du sud (1re DFL et 1re Armée française) à Monbard, dans la Côte-d'Or . début de la campagne des Vosges . libération du Havre.
    19 septembre : intégration des FFI (forces françaises de l'intérieur) dans l'armée régulière.
    30 septembre : création de l'Agence France-Presse (AFP)

    octobre 1944

    23 octobre : reconnaissance du GPRF par les Alliés.
    28 octobre : dissolution des milices patriotiques.

    novembre 1944

    2 novembre : début de la campagne d'Alsace.
    20 novembre : libération de Mulhouse.
    23 novembre : libération de Strasbourg.

    Galerie photos
    Cérémonie à l'Arc de Triomphe en présence du général de Gaulle, 26 août 1944.
    La foule déambule sur les Champs-Elysées pendant que des spectateurs attendent pour assiter à une séance de cinéma présentant des actualités de la France Libre et des Alliés, septembre 1944
    La foule dans Paris libéré, septembre 1944
    Paris libéré : les journaux de la clandestinité peuvent enfin paraître au grand jour
    Dans une salle de classe, des repas sont distribués à des enfants réfugiés, 1er septembre-31 décembre 1944
    Cartes
    Carte des barricades et des combats, Paris, août 1944.
    Axes de progression des Alliés

    En résumé

    DATE : 10 – 31 août 1944

    LIEU : Paris

    ISSUE : Libération de Paris

    FORCES EN PRESENCE : 5e corps d'armée américain du général Gerow
    2e division blindée du général Leclerc
    Forces françaises de l'intérieur (FFI)
    Garnison allemande du général von Choltitz

    Cœur séculaire de l'État souverain, Paris occupé par les Allemands, depuis le 14 juin 1940, est pour de Gaulle "le remords du monde libre." Depuis le débarquement en Normandie, le 6 juin 1944, la capitale se retrouve au centre de la stratégie et au cœur de la politique. 

    Paris "cœur du pays captif" revêt, dans la dernière bataille, une importance extrême. C’est pour lui un objectif capital qui est un passage obligé pour la reconquête de la souveraineté nationale sur le plan extérieur comme intérieur. 

    Le 3 juin 1944, le Comité français de la Libération nationale d’Alger (CFLN) devient le gouvernement provisoire de la République (GPRF) signifiant pour les Alliés qu’il y a un gouvernement de guerre dirigé par le général de Gaulle. "La libération nationale ne peut être séparée de l’insurrection nationale", a-t-il affirmé en avril 1942. Il l’a rappelé en 1943 et 1944 mais en soulignant qu’elle doit se faire dans l’ordre et sous contrôle. C’est bien le sens des mesures prises à Alger sur l’organisation des pouvoirs civils et militaires visant à la prise du pouvoir et au rétablissement de la légalité républicaine en métropole au cours de la Libération. L’ordonnance du 21 avril, outre la restauration de l’État républicain, rappelle le rôle du comité militaire d’action en France (COMIDAC) présidé par de Gaulle dans "la conduite des opérations en territoires occupés" avec comme représentant militaire à Londres le général Koenig, chef des Forces françaises de l’Intérieur. Un mois avant, il a été rappelé que le COMIDAC y exerce le commandement par l’intermédiaire d’un délégué militaire national clandestin, nommé en avril, le général Chaban-Delmas.

    Paris, enjeu de souveraineté

    Paris retrouve son statut de capitale politique en 1943 sous l’impulsion de Jean Moulin qui installe le siège d’un contre-État clandestin par le regroupement de la résistance et la création du Conseil de la Résistance, rassemblant mouvements, syndicats et partis politiques. Fragilisée après la disparition de Jean Moulin, la Délégation générale s’affirme comme l’émanation de l’État, à l’heure de la Libération. Alexandre Parodi, conseiller d’État, nommé en avril 1944, est promu le 14 août "membre du GPRF, commissaire d’Etat délégué pour les territoires occupés". Représentant direct de De Gaulle, il prépare l’installation du gouvernement provisoire dans la capitale. Quant au CNR, présidé par Georges Bidault depuis septembre 1943, il s’affirme comme l’autorité la plus représentative de la Résistance et revendique son autonomie. Il s’est adjoint le Comité d’action militaire (COMAC), dominé par les communistes, pour diriger l’action militaire en France. En dépit de sa participation au GPRF depuis avril, le Parti communiste veut jouer un rôle dans la capitale avec ses hommes aux leviers de commande suscitant les craintes du GPRF. Ni Chaban-Delmas ni Parodi n’ont craint une prise de pouvoir par les communistes.

    Paris, que son passé révolutionnaire inquiète, fait l’objet d’une ordonnance spéciale fixant son administration municipale et départementale. Les préfets de la Seine et de Police sont nommés dans le respect du principe d’un résistant de l’Intérieur et d’un Français libre comme pour les commissaires de la République. À la préfecture de la Seine, le résistant de l’intérieur, Marcel Flouret (1892-1971), est désigné le 28 avril 1944. Il prend possession de son poste à l’Hôtel de ville, le 20 août, jour de l’occupation de la maison commune, pour assurer la continuité des services municipaux. Le 17 juin, de Gaulle nomme préfet de police le Français libre Charles Luizet, rallié dès le 18 juin 1940, et qui a fait ses preuves comme préfet de la Corse libérée. 

    Sur le plan extérieur, de Gaulle tient pour essentiel que les armes de la France agissent à Paris avant celles des Alliés. Il craint que les Américains n’installent une administration militaire des territoires occupés (AMGOT) comme ils l’ont fait en Italie. En décembre 1943, il désigne le général Leclerc et la 2e DB pour libérer Paris et y installer le pouvoir français. L’accueil enthousiaste de la population de Bayeux à de Gaulle, le 14 juin 1944, comme la nomination des autorités civiles, éloignent le spectre de la l’AMGOT. À la mi-août, la rupture de la poche de Falaise et le débarquement de Provence amènent Eisenhower à remettre à plus tard la libération de Paris pour donner la priorité au front de l’Est et contourner la grande ville. Le ravitaillement de la population pose des problèmes logistiques et il ne veut pas d’un "nouveau Stalingrad" à Paris.

    La voie de l'insurrection (14 juillet-18 août 1944) 

     

    barricades

    FFI à l’affut derrière une barricade, Paris, août 1944. © DR

     

    Côté allemand, même si la bataille de Normandie est la priorité jusqu’à la mi-août, la ville Lumière demeure un symbole pour Hitler qui a nommé le général von Choltitz à la tête du Gross Paris avec mission de tenir la ville jusqu’au dernier homme. Les forces (20 000 hommes, une vingtaine de chars) sont constituées d’administratifs, de soldats âgés peu motivés, mais aussi de soldats et de SS qui terrorisent. En témoignent les charniers des massacres (Cascade du bois de Boulogne, Mont Valérien. Toute à sa logique répressive, l’occupant continue de déporter : les derniers convois quittent la région parisienne les 31 juillet, 15 et 17 août, emmenant vers les camps de la mort 3 451 Juifs et résistants. Préoccupé par le sort des prisonniers politiques à Paris, le consul de Suède, Raoul Nordling, à force de négociations avec von Choltitz et la SS, obtient la libération de 2 000 personnes en échange de prisonniers allemands.  À la mi-juillet, le parti communiste, le COMAC et le Comité parisien de la Libération (CPL), créé en octobre 1943 par André Tollet, résistant communiste et syndicaliste, veulent faire du 14 juillet une journée de manifestation, prélude à l’insurrection. La tension monte entre activistes et temporisateurs. Aux manifestations succèdent les grèves insurrectionnelles initiées par les cheminots le 10 août, puis les policiers, le 15 août, les fonctionnaires de la ville, les postiers et les infirmiers, le 18 août. Elles répondent aux consignes d’action du général de Gaulle du 7 août "Français débout et au combat [..] "Ne pas accomplir de travaux utiles pour l’ennemi."  Le 18 août, les événements de Paris échappent à tout contrôle extérieur. En dépit des consignes de Koenig ramenées de Londres par Chaban-Delmas, de freiner le mouvement, l’insurrection est en marche comme le constate Alexandre Parodi. "Paris était mûr pour un grand soulèvement". À Paris, la chaîne de commandement a été simplifiée : le colonel Rol-Tanguy (communiste, FTPF), commandant les FFI d’Ile-de-France, chef de guerre reconnu, assure la direction militaire de l’insurrection disposant des forces armées de la résistance, des FPTF de Charles Tillon, chef national, et de l’ensemble des forces gouvernementales, gendarmes, sapeurs-pompiers que Parodi a placé sous ses ordres par souci d’unité et d’efficacité.

    Mobilisation générale ! (19 août-23 août 1944)

    L’occupation spontanée de la Préfecture de police, le 19 août, par 2 000 agents soutenue par Rol-Tanguy, suit de peu l'ordre général de mobilisation, dactylographié par Cécile, sa femme, rappelant les missions de chacun : patrouilles, occupation des bâtiments publics, usines… enfin "ouvrir la voie de Paris aux armées alliées victorieuses et les y accueillir". Le manque d’armes pour s’opposer aux attaques allemandes, suscite la négociation d’une trêve par le consul de Suède avec von Choltitz, d’abord pour la seule Préfecture de police, puis étendue à toute la ville. Soutenue par Parodi, Chaban-Delmas, Hamon du CPL, qui y voient le moyen d’attendre les Alliés, elle est rejetée par Rol, le COMAC et le CNR qui dénoncent une démobilisation et y voient une ruse de l’ennemi pour faciliter le repli des forces de Normandie. Jamais respectée, elle est rompue le 21. Entre temps, le dimanche 20 août, policiers, résistants, jeunes des Equipes nationales se font ouvrir les portes de l’Hôtel de ville, au nom du gouvernement provisoire. La mobilisation est relancée avec la construction de près de 500 barricades, phénomène tout à fait exceptionnel dans la France de l’été 1944. Le peuple de Paris renoue avec son rôle séculaire. Si les insurgés sont isolés car les communications avec Londres et Alger sont difficiles, "La radiodiffusion de la nation française" et la presse écrite sortie de la clandestinité le 21 août, alimentée par les dépêches de l’Agence Française de Presse tout juste née, sont mobilisatrices.

     

    prise_de_guerre_ffi

    Acheminé à la Préfecture de police, un canon antichar pris aux Allemands par les FFI - policiers.
    © Gandner Musée du général Leclerc et de la Libération de Paris/ Musée Jean Moulin (Paris Musées)

     

    De son PC à Denfert-Rochereau, l’état-major FFI, outre les ordres de guérilla, met en place la surveillance du réseau d’eau potable pour prévenir tout empoisonnement par l’ennemi qui a aussi miné certains lieux : les centraux téléphoniques de la rue des Archives (3e) et Saint-Amand (15e), le Sénat, les ponts de Saint-Cloud, Alexandre III ou Neuilly, le Cercle militaire Saint-Augustin et des itinéraires, ainsi que le fort de Charenton ou le château de Vincennes. L’incendie du Grand Palais le 23 août par l’ennemi, en représailles à l’attaque par les policiers-FFI d’une colonne allemande, donne à penser que la destruction des monuments historiques est programmée. Les unités et les chars allemands qui se replient servent de renforts temporaires et nourrissent les peurs. 

    La 2e DB en marche (23-24 août)

    Quant à Leclerc, son inquiétude grandit le 18 à l’annonce de l’insurrection, puis à la nouvelle que les Américains contournent la ville. Paris est son obsession depuis la mi-août et il intervient auprès du général Patton (chef de la 3e armée) puis de Hodges (la 1re armée) lorsqu’il apprend le rattachement de sa division au 5e corps d’armée américain du général Gerow. Sans attendre confirmation de l’ordre, il regroupe son unité et envoie, le 21, un détachement léger (chars, automitrailleuses, infanterie) aux ordres d’un Français libre du Tchad, le commandant de Guillebon, en direction de Versailles, avec ordre d’entrer dans Paris si l’ennemi se replie. L’envoi d’émissaires mandatés par les résistants auprès des Alliés et l’insistance de De Gaulle qui menace de donner l’ordre à la 2e DB de marcher sur Paris, décident le généralissime Eisenhower à envoyer la 2eDB et la 4e division d’infanterie américaine du général Barton sur la capitale. C’est un sursaut de conscience des Américains qui veulent sauver Paris.

    Rapide le 23 août, la progression est freinée le 24, car la 2e DB se heurte à de fortes défenses allemandes. Parodi, Chaban-Delmas, Luizet pressent Leclerc et sa division d’entrer dans Paris. En réponse, au mépris de la Flak allemande (défense allemande antiaérienne), Leclerc envoie un piper-cub (petit avion de reconnaissance) larguer sur la Préfecture de police, un message "Tenez-bon, nous arrivons". Dans la soirée, à Antony, son inquiétude est à son comble, lui qui espérait l’entrée de son unité dans Paris le soir-même et parce que des renforts allemands du nord de la France sont en route. Voyant un de ses premiers compagnons, le capitaine Dronne, tout désigné pour cette mission, il lui ordonne "de foncer sur Paris". À 21h 20, les chars et halftracks de "La Nueve", composée à majorité de républicains espagnols, parviennent sous les ovations place de l’Hôtel de ville. À la nouvelle, les cloches des églises se mettent à sonner. Peu après, le Général dicte ses consignes : "rentrer dans Paris par les itinéraires principaux, foncer au cœur de la capitale, prendre les ponts […] aller droit à VON CHOLTITZ obtenir sa capitulation".

    "Paris libéré" (25 août 1944)

     

    Leclerc

    Leclerc examinant le plan de Paris avec son supérieur le général Gerow, 25 août 1944.
    © coll. NARA, Musée du général Leclerc et de la Libération de Paris/ Musée Jean Moulin (Paris Musées)

     

    Le 25 août, alors que ses trois groupements pénètrent dans Paris, Leclerc dans son "command car", avec Chaban-Delmas pour guide, fait son entrée par la porte d’Orléans au milieu d’une foule délirante jusqu’à son PC à la gare Montparnasse. Rejoint par le général Gerow, son supérieur américain, il lui expose son plan de bataille. Puis après avoir félicité les cheminots « vous avez bien travaillé », il se rend à la Préfecture de police que Barton a rejoint. Dans la salle de billard du préfet, PC de son adjoint le colonel Billotte, arrive, vers 15 h, Choltitz, prisonnier, pour signer les conventions de reddition des troupes allemandes. Y assistent Luizet, Chaban-Delmas, Kriegel-Valrimont du COMAC et Rol-Tanguy. Amené dans le "command car" de Leclerc au QG à Montparnasse, Choltitz signe une vingtaine d’ordres de reddition à ses unités qui combattent encore. C’est là que Leclerc, à la demande Chaban-Delmas et Kriegel-Valrimont, accepte que Rol-Tanguy signe un des exemplaires de la convention reconnaissant le rôle « du résistant de l’intérieur » dans les combats. En tête à tête avec von Choltitz, Leclerc l’oblige à faire le nécessaire pour ravitailler la population, dans l’attente de l’arrivée de l’aide alimentaire alliée. Les hommes de Leclerc, avec les FFI en appui, réduisent les défenses allemandes. Quant à la 4e division, elle opère dans l’est de la ville. Au soir du 25 août, les combats se poursuivent en banlieue.

     

    Leclerc Rol-Tanguy _accueillant_de -Gaulle

    Leclerc avec Rol-Tanguy accueillant le général de Gaulle à la gare Montparnasse, 25 août 1944. © coll. privée

     

    Il est un peu moins de 17 h lorsque Leclerc et Rol reçoivent le chef du gouvernement provisoire dans un Paris intact et libéré. De Gaulle  a préalablement fixé le déroulement de la journée : "Cela consiste à rassembler les âmes en un seul élan national, mais aussi à faire paraître tout de suite la figure et l’autorité de l’Etat". Leclerc lui rend compte. Il n’y a pas eu de vacances du pouvoir. Contrarié le matin même par le CNR, qui dans un texte s’affirme comme la seule autorité, de Gaulle reproche au chef de la 2e DB la signature de Rol. Mais il reconnaît le rôle des FFI et, le 18 juin 1945, fait Rol-Tanguy Compagnon de la libération.

    Il retrouve son bureau de secrétaire d’État à la Guerre – poste qu’il occupait dans le dernier gouvernement de la IIIe République –, au ministère, rue Saint-Dominique, montrant ainsi la continuité de l’État. La guerre n’étant pas terminée, le président du gouvernement provisoire entend aussi rappeler qu’il est le chef suprême des armées. Il se rend ensuite à la Préfecture de police où l’attendent les représentants provisoires de l’État : les préfets Flouret, Luizet et le délégué général Parodi. Il faut toute l’insistance de Luizet pour qu’il consente à se rendre à l’Hôtel de ville où l’attendent les membres du CPL et du CNR. Après Marrane et Bidault, il prononce ce discours de chef de gouvernement qui n’a d’investiture à recevoir de personne, sinon du peuple souverain. "Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé mais Paris libéré, Paris libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France." 

     

    de Gaulle

    Le général de Gaulle est accueilli par les représentants de l’État installés à la Préfecture de police. (à sa droite) le préfet Luizet.
    © Service de la mémoire et des affaires culturelles - SMAC - de la Préfecture de police.

     

    Un gouvernement républicain (26 août-13 octobre 1944)

    À Bidault qui lui demande de proclamer la République, il lui oppose une fin de non recevoir car la République n’a jamais cessé d’exister. Le combat mené depuis le 18 juin 1940 s’inscrit bien dans la continuité républicaine. L’ordonnance du 9 août 1944 ne rappelle-t-elle pas en son article 1 "La forme du Gouvernement de la France est et demeure la République. En droit celle-ci n'a pas cessé d'exister". Elle est bien l’aboutissement du manifeste du 27 octobre 1940, lancé de Brazzaville, affirmant la nullité des lois du gouvernement de Vichy. Ce que de Gaulle apprendra plus tard c’est que le CNR et le CPL ont envisagé de proclamer cette République avec ou sans lui.

    L’invitation des résistants au défilé, le 26 août, voulu par de Gaulle dans une tradition multiséculaire de triomphes et de victoires, calme les esprits. Rien n’est laissé au hasard. L’homme du 18 juin passe en revue un détachement du régiment de marche du Tchad, unité de Français libres de la 2e DB qui rappelle que les armes de la France se sont fait entendre dès l’été 1940. Puis le chef du gouvernement provisoire dépose une gerbe sur le tombeau du Soldat inconnu et entreprend ce cortège "triomphal" des Champs-Élysées à Notre-Dame qu’il a voulu "en donnant rendez-vous au peuple" et à qui il confie sa sécurité. Accompagné de Parodi et des membres du gouvernement provisoire, de Bidault et des résistants du CNR et du CPL, des préfets Luizet et Flouret, des généraux Leclerc, Koenig, Juin et Chaban-Delmas, de l’amiral Thierry d’Argenlieu, il parcourt à pied les deux kilomètres de l’Etoile à la Concorde sous les acclamations. C’est un de ces rares moments d’unanimité nationale. L’homme du 18 juin était une voix, il est devenu un visage, c’est un véritable adoubement. C’est la réinstallation triomphante dans la capitale de l’État républicain.

     

    défilé de Gaulle Champs Élysées

    De Gaulle sur les Champs-Élysées, (de gauche à droite) André Le Troquer, Georges Bidault, Alexandre Parodi, Achille Perretti, colonel de Chevigné, (à l’arrière) les généraux Koenig,
    Leclerc et Juin. © Serge de Sazo. Musée du général Leclerc et de la Libération de Paris Musée Jean Moulin (Paris Musées)

     

    Le 31 août, le gouvernement provisoire s’installe. Le retour à l’ordre est la priorité. La parade des deux divisions américaines le 29, est une démonstration de force qui répond à la préoccupation que de Gaulle a exprimée au général Eisenhower. La veille, de Gaulle a signé une ordonnance de dissolution des états-majors FFI dans les régions libérées. Koenig est nommé gouverneur militaire de Paris, le général Revers (chef de l’ORA) de la région parisienne et le colonel Rol-Tanguy est chargé de l’intégration des FFI dans l’armée de la Libération. Fin octobre, les milices patriotiques d’obédience communistes sont dissoutes, de Gaulle impose le pouvoir de l’État.

    Après la reconnaissance du GPRF par les Alliés le 23 octobre 1944, personne ne peut plus douter de la légitimité du général de Gaulle ni en France ni à l’étranger. Outre l’adoption d’un programme de développement économique par le gouvernement, l’Assemblée consultative provisoire tient sa séance solennelle le 9 novembre au Sénat où elle siège jusqu’à l’élection de la Constituante, le 21 octobre 1945. La France renoue aussi avec la consultation des Français dont le corps électoral a été élargi aux femmes et aux militaires par les élections municipales d’avril 1945, puis cantonales et législatives en novembre 1945.

    Du 18 au 30 août (date des derniers combats au nord de Paris), la bataille a coûté la vie à près de 5 000 personnes : 1 800 tués (156 hommes de la 2e DB, un millier de FFI dont 177 policiers, environ 600 civils et 3 200 Allemands) et 12 800 prisonniers. La libération de Paris par les Parisiens, soutenus par la 2e DB et les Alliés, est un acte historique majeur même si ce n’est pas la fin de la guerre. 

    Auteur

    Christine Levisse-Touzé, Directeur de recherche à Paris 4, Directrice du Musée du Général Leclerc et de la Libération de Paris et du Musée Jean Moulin (Paris Musées), conservateur général

    En savoir plus

    Bibliographie :

    Libérer Paris, sous la direction de Christine Levisse-Touzé, avec l’assistance de Dominique Veillon, Thomas Fontaine, Vincent Giraudier et Vladimir Trouplin, Ouest-France, 2014.

    De Gaulle, la République et la France libre 1940-1945, Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Perrin, 2014 (présenté dans Carrefours).

     

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